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Handball: "On a fléché le chemin en haut du Mont Fuji", lance Gille en vue des JO

Guillaume Gille, le sélectionneur de l'équipe de France de handball, revient pour RMC Sport sur la 4e place obtenue en janvier au Mondial en Egypte, au terme d’une compétition globalement réussie. Il se projette sur le Tournoi de qualification olympique à Montpellier, vital pour les Bleus, doubles champions olympiques.

Guillaume Gille, le sélectionneur de l'équipe de France de handball, a accordé un entretien à RMC Sport avant le Tournoi de qualification olympique qui aura lieu à Montpellier dans deux semaines (12-14 mars). En trois jours, les Bleus joueront trois matchs (Tunisie, Croatie, Portugal) et devront terminer dans les deux premiers de la poule de quatre. Ce jeudi, Guillaume Gille a annoncé une pré-sélection de 26 joueurs sans surprise notable. Il va pouvoir s’appuyer sur Luka Karabatic et Timothey N'Guessan, remis de leurs blessures pendant le Mondial, mais aussi sur Elohim Prandi, absent en Egypte suite à une blessure juste avant le départ.

Bonjour Guillaume, comment allez-vous depuis le Mondial ?

Ça va bien, merci. C’est vrai que cette compétition dense et ce long stage unique où on a passé trente-huit jours ensemble de manière continue (dès le 27 décembre), ont laissé des traces. Cette compétition a nécessité une coupure, une respiration avant de se remettre très vite au travail car le TQO se profile. Je me sens reposé et prêt à attaquer.

Ce Mondial était une première pour ce staff avec vous à la tête. Qu’en retenez-vous ?

L’apprentissage de cette aventure et les enseignements que l’on peut en tirer sont très positifs. Ce groupe a montré par séquences des choses excellentes et laisser des adversaires de première ordre derrière lui. En même temps, ses performances se sont soldées par sept victoires de suite et un peu un goût d’inachevé dans les têtes parce que l’emballage final a été de moins bonne qualité. On n’a pas su trouver le chemin vers la performance pour ramener une médaille et récompenser ce beau parcours. L’enseignement reste très riche et très positif car on a réintégré le cercle assez fermé des équipes qui comptent. On s’est retrouvé au moment où la compétition se joue et dans l’histoire des équipes de France de handball, c’est l’endroit où on a tous envie d’être.

Le fait d’avoir réintégré le dernier carré après l’Euro 2020 raté vous apporte beaucoup de confiance ?

On sort fort de cette compétition et de cette expérience collective. Notre quatrième place illustre bien là où on se retrouve dans le jeu et dans notre performance collective et individuelle. Quand on voit notre programme au TQO avec trois grandes nations du handball (Tunisie, Croatie et Portugal) pour s’ouvrir le chemin des Jeux, il faudra qu’on soit en capacité très vite avec très peu de préparation de montrer notre meilleur visage. Sans la meilleure performance de l’équipe de France, on sera en grande difficulté.

Initialement, ce tournoi devait se dérouler à Bercy au printemps 2020 avec 15.000 personnes. Ce sera à Montpellier à huis clos. Jouez-vous vraiment à domicile ?

Oui, on joue à la maison. On se prépare en France à la maison du handball. On rejoint Montpellier, une terre de handball et une place forte dans notre territoire handball. Il va nous manquer un ingrédient qui était un des atouts (le public) que l’on espérait avoir de notre côté.

Un mois après le Mondial, les Bleus se rassemblent. Le TQO s’inscrit dans un calendrier dense.

Au milieu d‘une saison avec des cadences folles pour les internationaux avec le Covid-19, les matchs déplacés… ce que l’on va faire vivre aux joueurs est à la limite du gérable. Quand on est concentré sur les Jeux olympiques, c’est le passage obligé. Il y a surtout besoin de refaire corps et de très vite être prêt à livrer trois nouveaux combats.

Le Mondial fut positif et réussi, les joueurs sont impatients de revenir en bleu ?

C’est une vraie question. Je crois que dans les échanges que l’on a avec les joueurs, on se rend compte de leur concentration sur ce moment de la saison. C’est le moment charnière, le moment bascule. Depuis le début de ce projet et dans la reconfiguration du staff et de la reprise en main du groupe, on a toujours fléché le chemin jusqu’en haut du Mont Fuji avec cette idée de planter le drapeau bleu blanc rouge tout en haut et pour concrétiser ce projet là, ça passe par une énorme performance.

Vous allez affronter le Portugal qui vit un terrible drame avec le coma de son gardien numéro 1, Alfredo Quintana, que vous avez rencontré en janvier, que ressentez-vous ?

Cela dépasse de loin le TQO et le Portugal. Nos pensées sont dirigées vers Alfredo et la situation dramatique vécu. On est très inquiets de voir un jeune homme dans la force de l’Age un collègue de combat se trouver dans cette situation-là, c’est dramatique. Ces dernières années, Quintana a gravi les échelons dans la hiérarchie internationale et l’imaginer dans cet état actuel, c’est quelque chose d’impensable. On a souvent tendance à penser que les sportifs sont des surhommes capables de performances incroyables mais ils sont comme n’importe quel humain sur terre et peuvent se faire rattraper par des drames.

Vous avez vécu 38 jours dans une bulle sans cas positif en France et Egypte, quel est votre secret ?

Je ne prendrai pas le costume de celui qui donne des leçons aux autres sports collectifs. La vie avec le Covid est une vraie galère pour tout le monde et les contraintes liées à l’organisation de stages et des compétitions pour répondre à ces protocoles sont incroyables. Imaginer que notre équipe de France de rugby se trouve amputée de beaucoup de ses éléments et qui se retrouvent dans la tourmente, dans la gestion du Covid, c’est aussi la leçon pour l’ensemble des sports que personne n’est à l’abri et que l’on ne peut rien garantir face à ce virus. Aujourd’hui malgré tous les protocoles, le fait d’être le plus strict possible, on est là que pour minimiser les risques. On a eu la chance de pouvoir passer à travers les mailles du Covid et j’espère que ça va continuer mais c’est une vigilance de tous les instants qui occupent une place importante dans nos réflexions.

C’était une hantise en tant que sélectionneur de pouvoir perdre un jour à chaque résultat de test ?

Cela fait partie de l’environnement. On le sait. On sait que l’on ne sait pas. Que demain potentiellement, il n’y a pas de cas avérés dans le groupe France qui nous rejoindra la semaine prochaine mais on voit bien la situation qui évolue en France et en Europe. On a un collectif qui vient de différents pays avec des situations sanitaires différentes. Il y a un enjeu sur l’entrée dans la bulle et faire en sorte qu’au démarrage de ce regroupement, il faut être le plus précautionneux dans la série de test pour garantir la création de la bulle.

Il y a eu durant ce Mondial l’émergence de nouveaux leaders. La question de leaders dans cette équipe se pose-t-elle toujours ?

Elle se pose toujours et encore car c’est la fameuse alchimie dans les sports collectifs, le fameux équilibre entre les forces en présence. Entre les responsabilités que l’on donne aux uns et aux autres, aux missions assignés, à la compréhension et à l’acceptation de ces rôles. C’est un travail de tous les jours et en aucun cas, il est à oublier.

Quelle est votre situation à la tête des Bleus ? Savez-vous ce que vous ferez après les Jeux olympiques si qualification il y a ?

Aujourd’hui, on n’est pas du tout dans ces réflexions pour savoir ce qu’il se passe après les Jeux. Il y aura des réflexions à mener. Nous, on est centré sur notre projet olympique. On a ce moment fort, le TQO, qui doit nous permettre de se qualifier et d’envisager la suite. Quand à ce qu’il va se passer à l’issue de Tokyo en cas de non qualification, je laisse les responsables fédéraux faire le job. Nous, on va s’efforcer de faire le nôtre sur le terrain.

Propos recueillis par Arnaud Valadon