
France-Qatar : la "multinationale" qatarie à la loupe

L'équipe du Qatar - AFP
Que dit exactement le règlement sur la naturalisation des étrangers ?
L’article 6.1 du code d’admission des joueurs de handball, tiré du règlement de la Fédération internationale (IHF) dit : « Les joueurs engagés dans une équipe nationale doivent remplir les conditions suivantes : a) ils doivent avoir la nationalité du pays pour lequel ils jouent. b) trois ans avant leur convocation pour l'équipe nationale en question, ils ne doivent avoir joué dans aucune équipe nationale d'un autre pays lors d’un match officiel. Sont considérés comme matchs officiels les matchs de qualification pour un Championnat continental, les matchs d’un Championnat continental, les matchs de qualification pour un Championnat du monde et des Jeux Olympiques, les matchs d’un Championnat du monde et de Jeux Olympiques. »
Une posture déplorée par le sélectionneur des Experts, Claude Onesta. « Si on tient à ce que les compétitions internationales demeurent, il faut peut-être que la notion de nationalité demeure. Sinon, c'est une espèce de grand bazar où tout le monde fait un peu ce qu'il veut », estime le guide tricolore. Pour ce Mondial, le Français Bertrand Roiné et certains de ses nouveaux compatriotes ont reçu des passeports qataris.
Combien de joueurs étrangers composent l’équipe du Qatar ?
Seize joueurs défendent les couleurs de l’équipe qatarie dans ce Mondial. Seulement cinq d’entre eux sont véritablement qatariens (Abdullah Al-Karbi, Abdulrazzaq Murad, Kamalaldin Mallash, Hadi Hamdoon et Ameen Zakkar). Faites le calcul : ils sont donc onze à parler une langue étrangère dans le vestiaire du « Qatar ». Un Français (Bertrand Roiné), deux Monténégrins (Zarko Markovic et Goran Stojanovic), deux Bosniens (Danijel Saric et Eldar Memisevic), un Cubain (Rafael Capote), deux Egyptiens (Hassan Mabrouk et Mahmoud Hassab Alla), un Espagnol (Borja Vidal), un Iranien (Hamad Madadi) et un Tunisien (Youssef Benali). Soit huit nationalités différentes sous les ordres de Valero Rivera. « On sait très bien que c’est une drôle d’équipe nationale, souligne l’ex-sélectionneur français Daniel Costantini. C’est une mosaïque de joueurs qui n’étaient pas titulaires dans l’équipe nationale de leur pays. »
Les joueurs de l’équipe touchent-ils des grosses primes ?
Difficile de démêler le vrai du faux sur ce point. On parle de millions pour attirer les stars qui composent l’équipe du Qatar aujourd’hui, de 100 000 euros versés aux joueurs à l’issue de leur premier match dans le Mondial. Si certaines langues se sont déliées – le Danois Nikolaj Markussen évoquait une proposition démentielle le concernant pour rallier le Qatar, le Serbe Marko Vujin avait aussi été approché – rien n’a jamais été prouvé. Et il ne faudra pas compter sur les joueurs pour avoir un début d’éclaircissement à ce sujet puisque ces derniers ont interdiction de s’exprimer en zone mixte (seuls les Qatariens sont autorisés à parler). Mais le petit Frenchie de la bande, Bertrand Roiné, a accepté de parler. Un peu. Et de rejeter en bloc toute forme de séduction financière. « Beaucoup me parlent du financier mais ils ne m’ont pas proposé d’argent, je ne gagne rien pour jouer avec l’équipe nationale, assure le Français. J’ai juste, comme avec l’équipe de France, des indemnités journalières. Ils ne m’ont pas dit : ‘‘Pour changer de nationalité, on va te donner tant’’. »
Comment ont-ils fait pour être aussi bien préparés ?
Pour ne pas rater son Mondial, le Qatar s’est efforcé de mettre toutes les chances de son côté. En faisant appel, notamment, à un coach champion du monde, l’Espagnol Valero Rivera, qui compte tout de également six Ligues des champions à son actif. Ce dernier, une fois en poste, a vite identifié ses besoins et recruté un à un les joueurs qui composent son groupe aujourd’hui. « Il a fait un recrutement intelligent, juge Daniel Costantini. Il avait besoin d’un grand pivot de deux mètres, qu’il est allé chercher en Espagne (Borja Vidal) et qui se révèle très brillant. Il avait besoin d’un tireur, arrière gauche, et il est allé chercher un Cubain (Rafael Capote). Il est aussi allé chercher Markovic. »
L’addition des talents est une chose. Encore fallait-il assurer une cohésion à tout ce maelstrom. « Ils ont travaillé comme des bœufs pendant une année, assure Costantini. C’est la seule équipe du Mondial qui s’est énormément préparée en conscience, comme nous pouvions le faire en France à l’époque où il fallait rattraper nos lacunes. La plupart des joueurs évoluent ensemble dans le même club d’El Jaish. Et ils ont complètement éludé le championnat cette année pour cette compétition. » En résumé : du travail de fond, un championnat relégué au second plan et une priorité assumée à l’équipe nationale… autant de choix payants pour le Qatar aujourd’hui.