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Riolo : "Indulgence et exigence…"

Daniel Riolo

Daniel Riolo - RMC Sport

Retour sur les affaires Aurier, Benzema et les débats…

Benzema bientôt de retour en Bleu, Aurier réintégré au PSG ? Après tout, peu importe.

Dans ces deux affaires, les débats ont été nombreux et comme d’habitude on est très vite sorti du foot pour atterrir dans les méandres des maux de notre société. 

Benzema d’abord, Aurier ensuite, n’ont plus été que des joueurs de foot. Ils ont été ramenés à leurs origines sociales, leurs extractions sociales. Et ce, principalement, par ceux qui les ont défendu.

Dans les deux cas, il est aisé de constater que l’opinion a globalement milité pour des sanctions fermes. Au contraire d’un monde du foot et médiatique peu à peu plus conciliants. Une famille du foot qui, on le sait, n’a que faire de ce que pense ce public si versatile. Une victoire et on oublie tout, voilà pour la réflexion et la marche à suivre.

On nous en a pourtant vendu des chartes éthiques, morales, des réflexions sur le comportement, l’image d’un foot qu’il faut améliorer, des « plus jamais ça » en souvenir de Knysna… Permettez-moi de faire l’économie d’un inventaire des belles paroles entendues depuis 2010 ! La présence de Deschamps au CFC dimanche soir, sa langue de bois massif, ses mots sur Valbuena, Benzema, Payet et Koulibaly… stop, on a bien compris que les mots n’avaient pas de sens !

Dès son arrivée à la tête des Bleus en 2010, Laurent Blanc avait essayé de nous endormir avec les vraies fausses sanctions à l’égard des fautifs de Knysna. Il fallait qu’il assure ses résultats et voulait donc faire table rase du passé. Il a pris une porte dans la tronche à l’Euro 2012 avec Nasri, Ménez, Ben Arfa puis donc, une fenêtre avec Aurier et la fameuse « fiotte » ! On a entendu son propos sur cette génération de joueurs qui passe son temps à s’excuser. Sa volonté de punir le joueur durablement semblait claire. Il était dans l’exigence. Puis deux jours plus tard, retour à l’indulgence avec ses mots sur le temps qui efface tout. Peut-être que Blanc se prépare à lui chuchoter : "Laisse-moi guider tes pas dans l'existence, Laisse-moi la chance de me faire aimer, Viens comme une enfant au creux de mon épaule, Laisse-moi le rôle de te faire oublier …" Bon ça aurait fait un peu « fiotte » pour Aurier tout ça !

Le plus simple serait qu’on arrête de se raconter des histoires sur ce qu’est ou non un bon comportement. Bref qu’on ne convoque pas la morale à tout bout de champ. L’heure est au cynisme. Quand on se fout de la morale, le moral est meilleur n’est-ce pas ?

Prenez Noah par exemple. Quand il parle de la Coupe Davis, de Monfils et de sa petite phrase sur le choix de la FFT d’aller jouer en Guadeloupe : « Il a touché à l’équipe, l’équipe c’est sacrée… bla bla… » Et au sujet d’Aurier dont le cas est sans commune mesure avec Monfils ? « C’est pas si grave, il faut lui donner une seconde chance ». Allez comprendre !

Tout le monde se mêle de tout, donne son avis et surtout défend sa boutique. Voilà la vraie règle, unique et qui s’applique à tout : le business ! Et on fait business de tout.

Dans cette France morcelée, fracturée, la boutique, le repli sur soi, c’est ce qui prévaut sur tout ! Les intérêts économiques et sociétaux, voilà les deux refuges. Le blé et le racisme. Car on est tous le raciste de quelqu’un aux yeux des autres. Le couperet tombe vite. C’est la « terreur » ! Du noir, de l’arabe, du Corse, de l’homo, des femmes, de tout. La France est paralysée par ses clans.

Prenez un entraîneur qui donne son avis sur Aurier ou n’importe quel acteur du foot. Vous voulez comprendre pourquoi il se prononce dans un sens ou dans un autre ? Regardez qui est son agent, c’est la base. Après vient l’amitié, ou le fait de jouer sous le même maillot.

A ce niveau là, on reste dans le cadre du foot, c’est quand ça déborde que ça devient plus croustillant. Quand on socialise le débat. Pire quand on ethnicise la question. J’avais très vite dit que l’affaire Benzema ne pourrait pas être que sportive. Ça n’a pas fait un pli. L’avocat du joueur, par ailleurs Président de la LICRA, un hasard ? Le ton était donné. Le président de la FFF a suivi et l’opinion, les médias se sont repliés sur leurs bases. Benzema n’était plus un joueur de l’équipe de France, mais un français d’origine algérienne évoluant avec les Bleus. Toucher à Benzema, c’est se rapprocher du FN. Stop, point godwin explosé !

Dans le cas d’Aurier, on ne pouvait pas y échapper non plus. Même extraction sociale. La chasse à la bête immonde a vite été ouverte. C’est devenu une affaire d’état médiatique. Ce n’est pas un joueur du PSG, l’employé d’une entreprise qui a fauté en insultant son supérieur, non, c’est un jeune de banlieue qui a merdé et que la société ne comprend pas ! On oppose au lieu de rapprocher. On enferme. On défend depuis le confortable fauteuil d’une rédaction, à la terrasse d’un café branché. Ça coûte rien et puis c’est loin tout ça non ?

Et peu importe si en banlieue on ne veut plus être enfermé dans ces clichés, si certains en ont marre de cette indulgence qui leur fait plus de mal que de bien.

Dans les deux cas, porter un jugement objectif sans se soucier de qui sont, socialement, les personnes impliquées est impossible !

Les débats sont faussés, biaisés. Sans parler du relativisme décérébré qui sert de défense aux avocats médiatiques, au clan de la twittocratie ! Team Benzema vs Platini, Aurier vs tous les évadés fiscaux du foot. Comme si parler des uns excusait les autres ! Incompréhensible ! Si ce relativisme prévaut, alors rien n’est grave ? Il n’y a plus d’échelle de valeur, c’est le règne de l’horizontalité ? Tant qu’il n’y a pas mort d’homme, on laisse filer ?

Les clans défendent leur position et la passion domine. Celle qui le plus souvent commande à l’ignorance.

Bientôt les débats cesseront. On passera à autre chose. Car tel est le but véritable du débat médiatique : bétonner de part et d'autre les positions, compter les troupes et ragaillardir son monde en le rassurant sur le bénéfice d'une victoire à terme.

Daniel Riolo