
Barça: Gerard Piqué dans la tourmente, récit d’une semaine polémique en Espagne
Pour reprendre une expression contemporaine, Gerard Piqué est "dans la sauce". Le défenseur central du FC Barcelone est sous le feu des critiques cette semaine après la parution des enquêtes du journal El Confidencial. D’une importante commission encaissée pour l’organisation de la Supercoupe d’Espagne dévoilée lundi dernier au dévoilement d’une énième conversation embarrassante avec le président de la fédération Luis Rubiales ce jeudi, récit d’une semaine à rebondissements.
Lundi 18 avril: les 24 millions de la discorde
La première bombe a été lâchée ce lundi 18 avril à l’aube par le quotidien El Confidencial. Par le biais de sa société Kosmos, le joueur aurait encaissé un chèque de 24 millions d’euros pour avoir aidé à l’organisation de la Supercoupe d’Espagne en Arabie Saoudite, un contrat signé pour huit ans en novembre 2019 contre 240 millions d’euros (40 millions par saison). Une information prouvée par des échanges entre Gerard Piqué et Luis Rubiales, président de la fédération espagnole.
"Géri, félicitations. Et je ne fais pas référence au match d'hier. Je veux dire qu'il est déjà plus de minuit et que l'accord avec l'Arabie saoudite est signé", aurait ainsi indiqué le dirigeant après des négociations lancées par le défenseur. "Voyons Rubi, si c'est une question d'argent, s'ils veulent huit millions, merde, mec, ils donnent huit au Real et huit au Barça, avait-il envoyé plus tôt. Les autres prendront deux et un millions. Ensuite, tu en gardes six pour la Fédération".
El Confidencial apprend aussi que les deux hommes voulaient dans un premier temps organiser le tournoi au Camp Nou. Un moyen de mettre la pression sur le Real Madrid, pour faire accepter le club madrilène de se tourner vers l’Arabie saoudite.
La RFEF a rapidement réagi en calmant le jeu par des déclarations auprès de Marca. "L’information n’apporte rien de nouveau à ce qui a été publié en 2019, a soufflé une source de la fédération anonyme. Tous les montants de l’opération ont été présentés, expliqués et approuvés par l’Assemblée du football." Une "campagne de harcèlement pour la discréditer" est dénoncée indirectement par la RFEF, qui veut "rester très calme" malgré l’ampleur de la polémique.
Mardi 19 avril: Piqué se défend, Simeone s’en mêle
Face aux accusations, Gerard Piqué décide de prendre la parole dans la nuit de lundi à mardi en direct sur Twitch. Et le joueur de 35 ans assume: "Je n'ai rien à cacher, affirme-t-il. Tout ce que nous avons fait est légal. Je suis fier de ce que nous avons fait à Kosmos. Nous voulions changer le format de la compétition et le rendre plus intéressant pour le spectateur. Cela a des répercussions sur les revenus. Le président a vraiment aimé l'idée".
Mais il annonce aussi que "l’Arabie saoudite n’était pas la seule option. Les États-Unis et le Qatar étaient sur la table". Concernant la part qui lui est accordée, "10 % du marché, c'est relativement faible: nous pensions que c'était standard et c'était un chiffre selon toutes les agences qui facturent pour faire une telle chose". Piqué dénonce également "un audio sorti de son contexte" avant de vanter la progression de la Supercoupe d’Europe. "J'aide simplement le président à avoir une formule qui soit logique. J'essaie de l'aider. J'ai seulement apporté une offre pour la RFEF. Avant de changer de format, la compétition valait 120.000 euros, et maintenant c'est 40 millions." Surtout, il déclare vouloir mener "une action en justice après la publication des audios".
S’il dément réclamer un appui de la fédération ("jamais dans la vie je ne demanderai de l'aide et jamais ils ne me la donneront. Un accord commercial n'affectera pas ça. C'est remuer la merde pour remuer la merde"), Piqué s’insurge au sujet du conflit d’intérêts qui lui est porté: "Quel est le conflit d'intérêts? La RFEF décide et j'aide seulement à trouver une formule qui fait sens pour elle. C'est une décision à 100% de la RFEF".
Quelques heures plus tard, El Confidencial publie la suite de son enquête et indique notamment que Piqué se serait servi du nom de Lionel Messi pour promouvoir l’organisation de la Supercoupe en Arabie saoudite: "Nous avons Leo derrière". Le joueur aurait aussi été appelé par Rubiales à ne pas contacter David Aganzo, président du syndicat des joueurs en Espagne (AFE). Une consigne non respectée par le Catalan, recadré par Aganzo: "Ce sont des décisions qui sont prises de manière unilatérale. Et dès que j'aurai toutes les informations, je vous appellerai, je vous appellerai parce que c'est une question importante Gerard. J'ai aussi des préjugés parce que vous allez devoir aller en dehors de l'Espagne. Ils ne comptent pas sur les footballeurs et c'est quelque chose que nous ne pouvons pas permettre".
Dans la journée, Diego Simeone, l’entraîneur de l’Atlético de Madrid, a évoqué en substance cette affaire qui secoue le football espagnol. "Je ne vais pas entrer dans ces situations parce que Piqué est très intelligent et a son entreprise, souligne-t-il. Ce sont des managements qui ne vont pas ensemble. Ce que je crois, c'est qu'il est clair que - à moins qu'il ne s'explique mieux - c'est pratique que le Barcelone et Madrid participent à la compétition, ce n'est pas très difficile à comprendre." Une déclaration en réponse à des moqueries lancées par Rubiales dans une conversation avec Piqué: "Tomás (González Cueto, membre du département juridique de la RFEF et supporter de l’Atlético, ndlr) dit que l'Atlético de Madrid va gagner la Liga. Il est ici à côté de moi... le pauvre".
Mercredi 20 avril : Rubiales défend publiquement Piqué, de nouvelles écoutes embarrassantes
La contre-attaque du président de RFEF ne s’est pas fait attendre bien longtemps. Luis Rubiales a organisé une conférence de presse mercredi matin pour critiquer le traitement dont il est victime tout comme Piqué. D’abord, en pointant du doigt la manière dont les documents ont été obtenus: "ils ont volé des informations sur mon portable".
"Depuis que j'ai pris ce poste (en 2018, ndlr), je n'ai cessé d'être agressé, ajoute-t-il. Il y a une campagne de diffamation totale. (…) À qui ça profite? Je suis une personne simple. Je suis différent des autres, je n'ai jamais bu de bière, je ne fume pas... Je ne peux pas garantir qu'ils ne mettront pas, demain, un sachet de cocaïne dans mon coffre s'il y a des gens qui acceptent de voler des messages."
Rubiales assure aussi ne rien verser à Kosmos, qui est "payé par l’Arabie Saoudite": "Il n’y a pas de relation économique. Autre mensonge". Avant de défendre Gerard Piqué. "J'ai lutté toute ma vie de footballeur pour que les joueurs ne prennent pas leur retraite sans entreprises, sans études, sans capacité..., lance-t-il. Espérons que de plus en plus de footballeurs comme Piqué sortent."
Il confirme en revanche une autre information dévoilée la veille, annonçant que le joueur a poussé pour participer aux Jeux olympiques de Tokyo l’été dernier avec les jeunes, médaillés d’argent. "Il y en a eu d'autres (joueurs) qui m'ont demandé, concède-t-il. Il a annoncé il y a longtemps qu'il ne voulait pas revenir et j'ai parlé avec Luis de la Fuente (sélectionneur des espoirs espagnols, nldr) pour qu'il sache qui m'avait appelé. C'est commun quand on est un grand joueur et qu’on veut revenir. Ensuite, Luis a pris une décision très différente. Cela se produit dans votre travail et cela se produit ici et nous agissons avec la plus grande honnêteté. Ce n'est pas le seul footballeur qui m'a demandé de le faire."
En réponse à un tweet d’une émission de la Cope, Piqué s’est ensuite défendu d’un deal avec le président: "Insinuer que je demande cette faveur (la sélection olympique) en échange de l’accord de la Supercoupe est moralement bas qui ne convient qu’à une chaîne comme la vôtre, qui insinuait déjà à l’époque qu’on se dopait au Barça".
L’avant-dernier dossier actuellement connu concernant Piqué est sortie dans l’après-midi de ce mercredi. Le FC Andorra, club de la propriété du groupe Kosmos du joueur, a rejoint directement la troisième division espagnole en 2019. Le champion du monde aurait demandé à ce moment-là au président de placer son équipe dans la poule la plus avantageuse et éviter la Catalogne. "La Rioja, Navarra, Aragon ou le Pays basque sont plus qu'acceptables. Ce serait la meilleure zone pour nous, aurait-il suggéré à Rubiales. Si vous pouvez éviter de nous mettre dans le groupe avec les Catalans, tant mieux". En réponse à son président, Piqué se serait alors montré insistant: "étant au fond du monde, comme les Baléares, j'imagine que nous placer dans un groupe ou un autre ne change pas grand-chose".
Jeudi 21 avril: Piqué évoque l’arbitrage avec Rubiales, le président veut modifier son salaire
La dernière diffusion de conservations entre Piqué et Rubiales remonte à ce jeudi matin. El Confidencial dévoile un échange étrange au terme d’un match nul du Barça sur la pelouse de la Real Sociedad (2-2), en décembre 2019. Le président demande des nouvelles au défenseur, qui se plaint immédiatement des arbitres, après un penalty non sifflé en faveur de son équipe: "putain, aujourd’hui ils ont merdé".
"Ils n’ont pas consulté le VAR et ceux du VAR n’ont rien dit non plus, ajoute Piqué. Ils auraient dû avertir l'arbitre. Surtout si tu siffles celui de Busi (Busquets, ndlr) en première mi-temps." "Je sais qu'ils ont sifflé un penalty douteux contre vous, lui répond Rubiales dans un message audio. Et je sais qu'ils n'en ont pas sifflé un en votre faveur – une faute sur toi – m’a-t-on dit." Le président conclut en lui affirmant qu’il n’y a "aucun désir de nuire ou de profiter à qui que ce soit". Un échange qui a fait d’autant plus de bruit qu’il est intervenu quelques jours seulement avant un Clasico contre le Real Madrid (0-0), jetant un doute supplémentaire sur les relations privilégiées entre Gerard Piqué et Luis Rubiales.
En réaction à ces polémiques, le président de la fédération espagnole a fait une nouvelle annonce ce jeudi, au micro de l'émission El Programa de Ana Rosa sur Tele Cinco. "Je vais le faire pour qu'il n'y ait pas d'entraîneur, de joueur ou qui que ce soit qui pense que si un arbitre siffle ici ou là, mon salaire va monter". Luis Rubiales aura donc dorénavant une rémunération fixe et ne comptera plus sur les bonus. Une initiative qui devra être débattue par l'assemblée de la RFEF avant d'être définitivement adoptée.