
Les Bleus se voilent la face

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Il fut un temps, pas si lointain, où l’équipe de France soulevait les foules et émerveillait les apprentis footballeurs en culotte courte. Cette période de grâce semble bien loin aujourd’hui. Mardi dernier, moins de 20 000 spectateurs avaient du mal à remplir les tribunes du stade Geoffroy-Guichard. Un chiffre bien maigre, surtout lorsque l’on connaît la capacité maximale de l’enceinte stéphanoise (34 000 places). « En jouant ici, tu te dis que tu vas jouer dans un stade populaire et qu’il sera plein, confessait Patrice Evra à l’issue du match. Mais quand tu arrives pour l’hymne national et que tu vois ce stade à moitié vide, tu te demandes ce qui se passe. »
Une chose est sûre, les Bleus de Domenech ne font plus l’unanimité. Jugés arrogants et lointains, ils ne parviennent même plus à transporter les foules sur le terrain. Normal, le jeu proposé est indigne de leur statut. Plus grave, l’impopularité de leur sélectionneur rejaillit sur eux. Même s’il ne défraye plus la chronique, des « Domenech démission » sont encore tombés des tribunes, preuve que tout le monde n’a pas digéré le maintien de ce dernier à la tête des Bleus. « C’est un débat qui est derrière nous aujourd’hui, défend Jean-Louis Valentin, directeur général délégué de la FFF. La question des sifflets est une question indépendante de celle concernant le maintien du sélectionneur. Là, il y a quelques manifestations sur quelques stades et de façon éparses. Il ne faut pas en tirer des conclusions. »
Toujours est-il que les joueurs n’ont pas été en reste non plus. Le 11 février dernier, face à l’Argentine, les Bleus avaient vu le public, solidaire en début de match, finir par lui tourner le dos. Cette fois, les Tricolores ont dû attendre l’heure de jeu pour se sentir soutenus. Avant cela, ils n’avaient eu droit qu’à des « olé » moqueurs accompagnant chaque passe nigériane après l’ouverture du score d’Akpala. Les Lyonnais Karim Benzema, Jérémy Toulalan et Sidney Govou ont d’ailleurs subi un traitement de faveur de la part du public stéphanois, provoquant l’ire de Patrick Vieira. « C’est petit et inadmissible. Lorsqu’on joue en équipe de France, on oublie Lyon, on oublie St-Etienne. On porte tous le même maillot. On veut tous une chose : que l’équipe de France gagne. » La réaction du capitaine paraît déconnectée d’une réalité beaucoup plus prosaïque. Au lieu de faire profil bas, les joueurs « plastronnent », refusent de se remettre en cause et finissent par se couper d’une base qui ne demande pourtant qu’à les aimer.
Côté Fédération, on souhaitait surtout calmer le jeu et relativiser la situation. « Contre la Lituanie, il n’y a pas eu de sifflets, défend Jean-Louis Valentin. Là, on parle de matches amicaux, sans enjeux où il existe des particularités locales. Je ne pense pas qu’on puisse parler d’un désamour profond du public auprès de l’équipe de France. Toutefois, la Fédération est naturellement préoccupée. Il y a un Club France qui sera prévu au mois de juin. Je ne sais pas si ce sujet sera débattu mais après tout… pourquoi pas. » Il serait temps. Parce que le divorce entre les Bleus et leur public semble de plus en plus irréversible.