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Coupe du monde : les raisons du « fracaso » de l’Espagne

Casillas, Iniesta, Torres et l'Espagne éliminés de la Coupe du monde

Casillas, Iniesta, Torres et l'Espagne éliminés de la Coupe du monde - -

Battue par le Chili ce mercredi au Maracana (0-2), l’Espagne est éliminée de la Coupe du monde après seulement deux matchs. Comment les champions du monde et doubles champions d’Europe en sont-ils arrivés là ?

(« fracaso » : échec, en espagnol)

Des cadres vieillissants et fatigués
Avec une moyenne d’âge de 28 ans et 3 mois, l’Espagne n’avait qu’environ 240 jours de moins que l’équipe la plus vieille de la Coupe du monde, l’Argentine. Les 34 ans de Xavi, les 33 d’Iker Casillas, les 32 de David Villa et Xabi Alonso devaient finir par se faire sentir, malgré tout ce que ces formidables joueurs ont offert depuis six ans. Le renouvellement a été assez minime, avec seulement les arrêts de Carles Puyol et Joan Capdevilla. D’autres cadres étaient fatigués après une saison très, très lourde. Méconnaissable, le Madrilène Sergio Ramos a joué jusqu’à la finale de la Ligue des champions, le 24 mai. Soit 57 matchs au total (club et sélection). Peut-être l’explication de son manque de vitesse au duel avec Arjen Robben face aux Pays-Bas (1-5) et de son absence d’intervention sur le premier but chilien (0-2)… Andres Iniesta paraissait aussi « cuit » au Brésil.

Une défense à la rue
Les triomphes de la Roja à l’Euro 2008, au Mondial 2010 et à l’Euro 2012 se sont construits sur une possession et une utilisation du ballon à la perfection. Mais aussi sur une défense très fiable, avec une récupération rapide. Sur ces trois glorieux tournois, elle n’avait pas pris que six buts. L’Espagne de 2014 a encaissé sept buts en un match et demi. Cent trente-cinq minutes pendant lesquelles Iker Casillas a été médiocre, très médiocre. Mais il n’a pas été le seul. Gerard Piqué a été sorti du onze pour le match face au Chili après sa prestation catastrophique contre les Oranje. Javi Martinez, plus habitué à jouer au milieu, n’a pas fait mieux. Cesar Azpilicueta n’a fait que regarder Charles Aránguiz servir Eduardo Vargas sur l’ouverture du score ce mercredi. Sur le deuxième, la Roja est attentiste quand Iker Casillas repousse le coup franc. Et Charles Aránguiz est seul pour reprendre… L’Espagne n’avait plus encaissé deux buts ou plus sur au moins deux matchs de Coupe du monde depuis 1994.

Une greffe ratée
L’Espagne avait innové ces dernières années en jouant sans véritable avant-centre, confiant le poste mais pas le rôle à Cesc Fabregas. Vicente Del Bosque a cru pouvoir changer le jeu de la Roja en trouvant un véritable attaquant de pointe : Diego Costa. Naturalisé espagnol, le Brésilien de naissance n’a pas encore eu la même efficacité en sélection qu’avec l’Atlético Madrid. Blessé en fin de saison, en manque de forme, il a même été particulièrement effacé. Cinq tirs, aucun cadré, en 126 minutes de jeu. La greffe n’a pas pris. Le jeu un peu plus direct proposé par l’Espagne en 2014 n’a pas fonctionné. Et la possession a été moins oppressante pour l’adversaire. En allant trop timidement contre sa nature, la Roja s’est perdu. Xavi avait expliqué que si cette équipe devait mourir, elle le ferait avec ses idées. Sur l’épitaphe, il faudra rajouter qu’elle a payé cher sa tentative d’évoluer.

Des mauvais choix
Vicente Del Bosque a fait confiance à Iker Casillas. David De Gea aurait-il eu sa chance s’il n’avait pas été légèrement diminué par des douleurs aux muscles fessiers ? En valeur et potentiel, le jeune gardien de Manchester United (23 ans) présentait sans doute plus d’assurances que le Madrilène, seulement utilisé en Ligue des champions cette saison par Carlo Ancelotti après avoir été mis sur le banc par José Mourinho. Le sélectionneur espagnol, en ne changeant que deux hommes pour le match face au Chili (Piqué par Martinez et Xavi par Pedro), regrettera sans doute aussi de ne pas avoir ouvert son équipe aux Colchoneros Koke et Juanfran ou encore au Gunner Santi Cazorla. Il a insisté avec Diego Costa, avec Fernando Torres et David Villa sur le banc, tout en laissant à la maison Fernando Llorente et Alvaro Negredo, convaincants avec respectivement la Juve et Manchester City. Les latéraux Alberto Moreno et Dani Carjaval auraient peut-être aussi été plus frais et percutants que la pâle copie de Jordi Alba et le décevant « Azpi ».

Une usure mentale probable
Le syndrome France 98. Régner sur l’Europe et le monde, puis chuter avec pertes et fracas. Les Bleus de 2002 avaient trop gagné pour avoir encore faim en Corée du Sud et au Japon. La Roja a été victime de ce mal. « On n'a pas su maintenir la conviction, la faim, sans doute en raison des nombreuses victoires, reconnaît Xabi Alonso. On n'a pas pu maintenir ce niveau. » Elle est éliminée après seulement deux matchs au Brésil et deux défaites, une première historique pour un tenant du titre. « C’est certainement la fin d’une génération, d’une époque qu’on a appréciée, reconnait Luis Fernandez. Il faut rendre hommage à cette sélection espagnole. Il faut savoir l’accepter. Il va falloir reconstruire. On est triste de voir l’Espagne quitter la compétition de cette façon. » Sergio Ramos avait répondu que c’était « une folie » à ceux qui évoquaient une fin de cycle après le naufrage initial face aux Pays-Bas. Elle s’est malheureusement vérifiée.

La rédaction