
Coupe de France: 22 ans après, Mickaël Landreau raconte le dernier sacre nantais
Mickaël, quel est votre souvenir marquant de cette finale?
Evidemment, c’est cette image avec Réginald Becque (il avait proposé au capitaine de Calais de soulever la Coupe avec lui, ndlr). Tellement répétée, rappelée… Mais, j’ai aussi le scénario du match en tête: le penalty marqué en toute fin de match, la joie, la fête et le partage avec les supporters. Moi ce que j’adore avec la Coupe, ce sont ces 20.000 personnes qui se déplacent à Paris, qui sont derrière ton but en jaune et vert et qui scandent ton nom ou prénom.
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Qui a eu l’idée de proposer à Réginald Becque de soulever la Coupe avec vous ?
Je l’ai eue avant le match, mais je ne pouvais forcément pas le dire et le partager. Je me souviens: on gagne et là, à la fin du match, je vais voir Réginald (Becque) et je lui dis: "Surtout ne le prends pas mal… c’est pour honorer votre parcours et le monde amateur. Si tu en as envie, viens avec moi ! Je pense que ça pourrait représenter tellement bien votre parcours et ce pourquoi on fait du foot !" Je n’ai consulté personne. Je ne me suis pas dit que ça pouvait être mal pris. Ce que j’ai fait correspondait à ce que qu’on nous inculquait à la Jonelière…

C’est l’image qui est restée de cette finale ?
Oui, c’est une image qui correspond à la manière dont on était élevés, éduqués dans le club. C’est une image forte du foot français mais elle représente surtout une victoire nantaise.
Est-ce que ce succès en 2000 était plus fort que celui un an avant (victoire contre Sedan en 1999 en finale de la Coupe de France, ndlr) ?
Sedan, c’était notre première victoire pour la plupart. On a compris qu’on était une équipe capable de gagner un trophée, et surtout une Coupe de France… Nantes l’avait gagnée vingt ans avant ! Sedan, c’était le début de quelque chose d’incroyable qui se créait en nous.
Ce succès contre Calais en 2000 est-il fondateur du titre de champion de France qui suivra en 2001 ?
C’est une accumulation de choses… On gagne contre Sedan en 1999, ça montre qu’on est une équipe de gagneurs puis on regagne un an après, ce qui est très rare. En revanche, en 2000, il ne faut pas oublier qu’on joue le maintien au Havre une semaine après. Cette victoire contre Calais et le maintien, on ne les dissocie pas. On profite de l’instant présent, de fêter cette victoire au Stade de France, mais dans nos têtes, on a Le Havre et la survie du club en L1… On est heureux de la victoire contre Calais, mais pas euphoriques car il y a Le Havre une semaine après.
Contre Calais, rien n’est simple…
Oui, à la mi-temps, on est menés 1-0. Je me souviens de la manière avec laquelle le coach (Denoueix) a abordé cette pause. Je me souviens dans quel vestiaire on était, ce qu’il a dit. Je n’ai pas oublié ce calme habituel du coach. Il nous repositionne. Il nous dit que ça va venir par le jeu !
Nantes gagne contre Calais sur un penalty marqué par Sibierski et provoqué par Caveglia en toute fin de match. Lequel fera sacrément polémique. Est-ce que s’il y a le VAR à l’époque il y a penalty sur Caveglia, selon vous ?
Je pense que les arbitres ne reviennent pas sur la décision, même avec le VAR. Je pense qu’il y a faute. Alain (Caveglia) en rajoute, c’est vrai. Mais, le VAR doit intervenir s’il y a une erreur manifeste aujourd’hui, je pense qu’il n’y a pas d’erreur manifeste. Après, je n’ai pas revu les images en détail car ça ne m’intéresse pas, ça fait partie du jeu en fait. Maintenant, c’est fait. Je ne me pollue pas avec le passé, il m’aide à construire le présent et l’avenir, mais je ne me pollue pas avec ça. C’est ma manière de vivre.
Alain Caveglia ne vous a jamais parlé de cette action ?
Alain ne nous en a pas parlé. C’était son jeu… On va appeler ça le vice. Comme Moldovan ou Fabbri pouvaient en avoir.
"En 2004-2005-2006, je me suis dit que le club était en très grand danger. Avant ça, l’institution était tellement forte, tellement solide que jamais je n’aurais pu penser ça"
Et parlez-nous de l’après match...
On est une équipe qui sait faire la fête. On passe du temps ensemble. On sait travailler, faire la fête, mais se dire aussi les choses quand on fait fausse route… Et même quand on fait la fête, le lendemain matin, il n’y avait personne qui rechignait. Sinon, les leaders tapaient et c’était toujours comme ça. Les leaders montraient toujours l’exemple. Je me souviens après des fêtes être allé chercher des joueurs dans leur hôtel car ils n’étaient pas à l’heure. Je leur disais: "Maintenant, tu t’habilles et tu te faufiles pour ne pas montrer que tu es en retard !" Nestor Fabbri, Eric Carrière, Frédéric Da Rocha ou encore Nicolas Savinaud jouaient ce rôle de leader.
Après ces deux Coupes de France et ce titre de 2001, le FCN connaît beaucoup de tourments. A quel moment sentez-vous que le club glisse dangereusement ?
En 2004-2005-2006, je me suis dit que le club était en très grand danger. Avant ça, l’institution était tellement forte, tellement solide que jamais je n’aurais pu penser ça. A partir du moment, où la priorité n’est plus le terrain, n’est plus l’entraîneur pour les dirigeants... Il y a une perte d’identité du club. Le projet sportif disparaît. Le club n’est plus gouverné en protection du terrain. Les gens qui viennent gouverner ne sont pas alignés avec l’identité du club. Si la Socpresse (propriétaire du club de 2000 à 2005, ndlr) avait vendu le club à d’autres personnes, ça aurait pu être différent. Mais là, elle vend à Wademar Kita et lui, il écrit le projet qu’il a envie d’écrire. Ce projet se respecte, mais il ne correspond pas à la philosophie du club.
Le départ de Denoueix fin 2001 marque-t-il aussi un tournant ?
Oui, le départ du coach est dans la continuité de tout ça.
Aujourd’hui, vous portez un projet de rachat du FCN (le Collectif nantais). Quelle en est la philosophie ?
On ne veut pas refaire le passé, on veut l’honorer. On veut se servir de tout ce qui pouvait être positif pour pouvoir imaginer le club d’aujourd’hui: Nantes avec des valeurs qui correspondent à ce qu’est Nantes tout en existant dans la société et le monde de l’entreprise et des clubs aujourd’hui. On ne vend pas une utopie. On veut mettre en place quelque chose qui correspond à la fois à l’identité de Nantes et qui correspond à ce qu’il se passe dans le championnat de France aujourd’hui.
"Le Barça et l'Ajax sont des exemples qui montrent qu'on peut travailler tout en gardant sa philosophie"
Concrètement, ça pourrait donner quoi au quotidien ?
Que des anciens joueurs puissent se ressourcer auprès du club. Nous, à notre époque, c’était le cas… Il y avait souvent des anciens joueurs qui venaient aux entraînements, honorer les grandes dates, sentir une atmosphère favorable à l’histoire du FCN. Un club aussi qui s’appuie sur des valeurs avec 60 % des joueurs issus du centre de formation et sur une philosophie de jeu. La mise en place de choses qui permettent d’être compétiteurs mais aussi en adéquation avec l’ADN du club. Il faudra aussi garder le cap quel que soient les tourments qui peuvent survenir.
Le FCN d’il y a 30 ans est-il transposable aujourd’hui ?
Oui, avec les évolutions du jeu. On en est convaincus. Sinon, le Barça et l’Ajax ne seraient pas ce qu’ils sont aujourd’hui. Ce sont des exemples qui montrent qu’on peut travailler tout en gardant sa philosophie.
Ce samedi soir pour la finale Nice-Nantes, vous serez où ?
Je serai au stade. Je veux partager cette finale avec mon père, mes deux fils et ma femme. Je n’ai jamais vécu des moments comme ça. C’est un devoir de transmission de vivre cette finale de cette manière-là. C’est une fierté pour mon père de venir au stade avec ses petits-enfants. C’est aussi ça le foot. J’ai plein de sollicitations mais j’ai refusé car c’est ce que je veux vivre ce soir-là.