
ESCRIME - Hugues Obry, la rage de vaincre

Hugues Obry - AFP
« Il a une aura telle que s’il nous disait ‘les gars, pour être champion olympique, il faut venir sur le pont et sauter sur l’autoroute A4’, c’est sûr qu’on le fait tous, sans hésiter. » Gauthier Grumier, 31 ans, sacré vice-champion du monde en individuel mercredi, illustre la foi inébranlable qu’ont les épéistes français en leur entraîneur. Daniel Jérent ajoute : « Moi je l’appelle ‘The Special One’, comme José Mourinho. » Le « petit jeune » des Bleus (24 ans) a raison. La comparaison est fondée, tant Hugues Obry est un meneur d’hommes, sûr de lui, au point parfois d’en agacer certains au sein de la Fédération française d’escrime. Car ce fan du PSG n’hésite pas parfois à passer en force.
Avec succès puisqu’il fait gagner ses hommes et ses équipes. Et à la différence du coach de Chelsea, « Hugus » a aussi connu une brillante carrière d’athlète. En 1998, il réalise le doublé champion d’Europe-champion du monde, ce qu’aucun épéiste français n’a réussi depuis. Double médaillé d’argent olympique en 2000, Obry raccroche son épée en 2004, après une médaille d’or aux JO d’Athènes. Entraîneur-adjoint de l’épée masculine de 2008 à 2012, il a pris les rênes du groupe depuis les JO de Londres. Et les résultats sont là : titres mondiaux en individuel et par équipes l’an dernier pour les Français, doublé européen, même, en juin. Les Jeux Européens à Bakou ? Doublé aussi, avec l’équipe B.
Robeiri : « Sa plus grande qualité, c’est d’y croire tout le temps »
«C’est un gagnant, il suffit de regarder ses yeux, tu vois la gagne, explique Jérent. En tant qu’athlète, quand tu as quelqu’un comme lui derrière toi, tu ne peux que t’inspirer de lui et de son envie de gagner. » Ulrich Robeiri abonde : « Sa plus grande qualité, c’est d’y croire tout le temps. Quelle que soit la situation, même les plus désespérées, il croit en nous, il nous pousse, et ça, ça fait vraiment la différence. Il n’accepte pas la défaite, c’est la rage de vaincre. » Robeiri, qui a connu son coach quand il était encore athlète, confirme qu’il « n’a pas changé, il va vers l’avant. Quand il tirait, il ne reculait jamais, et comme coach, c’est pareil, il va vers l’avant. » Une envie qu’il traduit aujourd’hui par des séances toujours plus dures avec ses garçons.
Mais il n’y a pas que ce trait de caractère qui n’a pas changé. Le côté chambreur d’Hugues Obry existe toujours. « Hugues, je l’ai connu athlète, on dormait dans la même chambre, se rappelle Gauthier Grumier. Quand je suis arrivé, j’étais tout jeune et lui était tout vieux. Il me faisait des petites crasses, un petit bizutage normal. Mais c’est aussi quelqu’un qui a une certaine empathie. On n’arrive pas à lui faire la gueule. On essaie quand il nous parle mal, on a envie d’être fâché contre lui, mais il est là, il revient, comme ça, avec son petit air (il mime le sourire malicieux et coquin d’Obry), et puis tout repart comme avant. »
« Quelqu’un qui sait très bien gérer son collectif »
Car même s’il a perdu cette manie de pincer les fesses ou les tétons de ses athlètes, voire des membres du staff de l’équipe de France, Hugues Obry sait toujours piquer et appuyer là où il faut pour titiller l’orgueil de ses troupes. « C’est quelqu’un qui sait très bien gérer son collectif, ses individualités et les différents caractères » confie Daniel Jérent. Qui sait de quoi il parle. Jeudi, lors des deux premiers tours remportés par les Français, l’intéressé s’était gentiment fait taquiner par son entraîneur. Mais si Hugues Obry a bien donné de la voix, il l’a moins fait qu’à l’accoutumée. A 42 ans, se serait-il assagi ? « Faut se méfier, attendons la fin de la deuxième journée, parce qu’aux championnats d’Europe, il ne s’était pas assagi » assure Robeiri.
Robeiri, justement. Le champion du monde individuel en 2014 ne dispute cette année que l’épreuve par équipes « parce qu’il y a eu meilleur que lui cette saison (sur l’individuelle, ndlr) et pour lui rappeler en vue de Rio qu’il doit se bouger » argumente Obry. Un exemple du management à la « Hugus ». Mais aussi un coup de poker – rien d’étonnant pour ce joueur invétéré, co-animateur du RMC Poker Show sur RMC – perdu, puisque celui qui a été préféré à Robeiri, Alexandre Blacszyk, n’a pas franchi les portes des qualifications ce vendredi. Un choix perdant donc… mais un choix assumé. Rien d’étonnant, là encore. Ceux qui ont croisé Hugues Obry autour d’une table de poker peuvent le confirmer : cartes en main, l’ancien escrimeur est du genre… agressif.