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Daniel Riolo: "Passion, raison et radicalité…"

Mbappé et Haaland, Neymar et Verratti, Daniel Riolo analyse deux visions du foot.

Mbappé répond à Haaland. Mais pourquoi cet article? Vous l’avez vu comme moi ce petit article dimanche dans le journal du sport? Pourquoi promouvoir cette vision du jeu faite d’opposition individuelle? Le crack répond au crack, il ne manque plus que le débat sur qui est le plus fort. Ça ressemble à une mauvaise conférence de presse de boxe, comme l’autre jour entre Yoka et son "sparring-partner" belge. Quelle guignolade. 

Mbappé répond donc à Haaland. En plus si c’était pour mettre le Français en valeur, c’est raté. Le Parisien marque contre Brest en Coupe de France tandis que l’autre met deux buts face au Bayern. Ça n’a juste rien à voir! Mais visiblement on aime et on fait toujours plus ce genre de comparaisons stupides. "Parmi les cinq grands championnats…" ça c’est un début de phrase qui me rend hystéro. Un jour avec ce début de phrase, Reims s’est vu décerné le titre de meilleure défense. Peut-être après 10 matches, ou 20, ou je ne sais plus. Meilleure défense des équipes jouant en rouge, ou évoluant dans un stade de moins de 30 000 places…

En cherchant bien, on peut créer n’importe quel classement et on peut être bien classé, décrocher une première place valorisante. Les chiffres ça dit beaucoup de choses et surtout beaucoup de conneries. Ça dépend de ce qu’on veut en faire. 

La nouvelle conso du foot pousse de plus en plus à présenter le foot de cette façon. On regarde de moins en moins les matches et principalement ceux de son équipe. Et quand on regarde son équipe, on investit de l’affect, voire de la passion. Vous croyez que ça aide à y voir clair? Ces sentiments et cette nouvelle consommation dégoulinent ensuite sur les réseaux sociaux et autres sites pour supporters. Ça braille et ça reproche à tout le monde de ne pas être objectif. Bah voyons!

Neymar et Verratti, deux excellents joueurs dont il est difficile de parler avec raison

Passion et raison, c’est pas toujours simple à marier, surtout en matière de foot. Combien de fois, on m’a demandé de choisir entre Ronaldo et Messi. Et si je dis Messi, il y a toujours une tripotée de fanatiques pour conclure que je n’aime pas Ronaldo! Difficile à comprendre mais tellement réel. 

La passion, c’est par exemple ce que déclenche des joueurs comme Neymar ou Verratti. Deux excellents joueurs dont il est difficile de parler avec raison. Neymar va encore rater un match important avec son club. C’est un fait. On a le droit d’être plus exigeant? Emettre une critique, c’est dire que Neymar n’est pas un bon joueur? En tout cas, il est de plus en plus difficile de faire son chemin au milieu de cette consommation désormais partielle et autocentré du foot. Les études montrent qu’on suit de plus en plus des joueurs plutôt qu’une équipe. On suit principalement son équipe ce qui met des œillères par rapport au reste. Et enfin, 40% des 16/24 ans n’ont plus de vrai intérêt pour le foot à part les gros événements. Ce sont pourtant eux qui réagissent le plus sur les réseaux sociaux et surtout de façon radicale. 

A cette vision illustrée par le petit article de l’Equipe, je préfère la très belle enquête de France Foot sur Verratti. Depuis janvier, c’est incroyable le nombre d’articles sur l’idole du Parc. Plus en 3 mois qu’au cours de toutes ces dernières années au PSG. J’exagère à peine. 

Les débats dans l’After à son sujet ont du réveiller le questionnement chez certains. Tant mieux. FF est allé interroger des ex-joueurs, consultants un peu partout en Europe. Et si tout le monde loue ses qualités, beaucoup posent aussi des questions essentielles. Dans l’article qui suit les témoignages, la question posée est: Joueur d’événement, enfin? C’est un peu comme si une nouvelle carrière commençait pour lui depuis l’arrivée de Pochettino et la volonté du coach de le faire évoluer plus haut sur le terrain. A 28 ans, il n’est jamais trop tard. Dans les rencontres à élimination directe son bilan reste déficitaire. 20 matches, 7 victoires, 4 nuls et 8 défaites. Aucun but et 3 passes décisives à chaque fois en huitième de finale. Entre blessures et "cartons", il a raté 18 matches.

Un œil auto-centré et passionné ne verra ni ne dira ça. Merci donc à France Foot d’être allé demander ailleurs d’autres avis sur cet excellent joueur qui doit encore beaucoup démontrer. Parce que finalement, cette vision passionnée ne me pose souci que quand elle est relayée maladroitement par les médias qui l’alimentent.

Notre football de club est devenu tellement pauvre que tout ramène toujours au PSG. A ceux qui l’aime ou le déteste. A ceux qui le voient trop beau et à ceux qui veulent le voir moche. La vérité, pour cette saison au moins, doit encore se dessiner. Une fois le Barça écarté. On en fera alors probablement un favori avec les meilleurs joueurs du monde. On essaiera de rester mesuré et on sera taxé de rabat-joie par les radicaux. On a compris désormais que ça faisait partie du jeu.

Daniel Riolo Journaliste RMC Sport