RMC Sport

"Un moteur exceptionnel": ce que montrent les tests de Froome

-

- - AFP

Le magazine Esquire a dévoilé ce vendredi les résultats des tests réalisés par Chris Froome en août dernier. Des chiffres qui, comparés à ceux de 2007, prouvent que le double vainqueur du Tour de France a toujours eu des capacités exceptionnelles. Mais pour Frédéric Grappe, spécialiste de la performance sportive, tous les doutes ne sont pas encore levés.

Chris Froome a tenu parole. Le magazine Esquire a publié ce vendredi les résultats des tests passés en août dernier par le coureur deSky. Histoire de lever le voile sur ses incroyables performances, notamment lors de sa victoire sur le dernier Tour de France. RMC Sport a demandé à Frédéric Grappe, spécialiste de la performance sportive, de se pencher sur ces chiffres et ceux de 2007, avant l’explosion du phénomène britannique.

CE QUE CES CHIFFRES CONFIRMENT

Une fréquence cardiaque faible à effort énorme

« Sa fréquence cardiaque est faible. Je suis assez étonné parce qu’on voit qu’à 425 watts, il est à 138 pulsations par minute. Ce sont des puissances relativement élevées et il a effectivement un pouls très bas. C’est une confirmation de choses qu’il avait évoqué sur le Tour. »

Un moteur exceptionnel

« Il a un potentiel aérobie extrêmement élevé, à la limite de la performance humaine. Aujourd’hui, les VO2 max qu’on connaît sont autour de 90. Au-dessus, ça n’a jamais été rapporté scientifiquement. Si on rapporte sa VO2 max mesurée en laboratoire avec le poids qu’il avait sur le Tour de France, ça fait une VO2 max aux alentours de 88, donc aux limites de la performance humaine. Ils sont très peu d’athlètes dans le monde à avoir de telles VO2 max. Cela montre qu’il a un moteur exceptionnel. Entre 2007 et cette année, sa consommation maximale d’oxygène en litres par minute est la même à 2% près. Cela montre qu’il n’y a pas eu de changement. Avec le moteur qu’il a, il est en capacité de réaliser une grande partie des performances qu’il réalise depuis quelques années. »

Une perte de poids bénéfique

« En 2007, sa VO2 max était à 6,07 watts par kilo. Ce qui fait une consommation d’oxygène maximale un peu plus élevée qu’aujourd’hui. Donc ça veut dire qu’en 2007, il avait déjà ce moteur-là. Mais comme il était lourd, rapporté à son poids de corps, ça fait un chiffre à 80. Mais si on met la VO2 de 2007 avec le poids qu’il avait sur le Tour, on n’arrive pas très loin de 90. Il était déjà aux limites de la performance humaine en 2007 mais il était lourd, il avait sept kilos de trop. Le fait d’avoir baissé son poids fait qu’il a gagné entre 35 et 40 watts en quelques années. C’est énorme, c’est quasiment une dent d’écart pour une cadence de pédalage donnée. Le moteur était déjà là, il n’a pas bougé. Ce qui a bougé, c’est le poids. C’est le poids qui fait qu’il est en partie l’athlète qu’il est aujourd’hui. A l’époque, il aurait été incapable de suivre, il aurait été dans le gruppetto. »

-
- © AFP

CE QU’IL MANQUE DANS CES DONNEES

Son profil d’explosivité

« On aurait dû avoir un profil d’explosivité et un profil lactique pour des efforts de 30 secondes ou une minute intenses. On ne sait pas combien de temps il est capable de tenir ces 419 watts… Ils ont mis entre 20 et 40 minutes. Et ça, c’est un gros problème parce que vous allez perdre un watt toutes les minutes. Ce qui veut dire que vous allez perdre 20 watts, c’est beaucoup. Combien de temps il peut tenir ce niveau de puissance ? On n’en sait rien. »

Son rendement énergétique

« L’autre souci, c’est qu’on ne connait pas le rendement énergétique, le rapport entre la puissance produite par le coureur et la consommation d’oxygène. Pour deux athlètes qui produisent le même niveau de puissance, l’un va consommer plus d’oxygène. Il va donc être plus coûteux et avoir un rendement énergétique moins important. Ça aurait été intéressant de connaître l’évolution du rendement. »

La question qui reste en suspens

« Ce qui pose plus question, c’est qu’on sait que réaliser un effort intense à une forte température et le réaliser à une température correcte, ça n’a rien à voir. A La Pierre Saint-Martin (10e étape du Tour de France 2015), Froome est manifestement capable d’exploiter une grande partie du potentiel de son moteur sous une chaleur très élevée. Ce que la plupart des principaux protagonistes n’ont pas réussi à faire. Plus la température est élevée, plus la température centrale du sportif monte. A un moment, elle monte tellement vite qu’on est obligé de baisser au niveau de la puissance. C’est pour ça que la plupart des favoris, même Quintana, n’ont pas réussi à monter à des niveaux de puissance aussi importants que ceux qu’ils ont développé sur la montée du Plateau de Beille.

Sur ce Plateau de Beille, il pleuvine, il fait frais et là, ils arrivent beaucoup moins à se départager. Aujourd’hui, Froome est certainement le coureur capable, dans un environnement chaud, de développer des hauts niveaux de puissance. Est-il génétiquement adapté pour ça ? On n’en sait rien. Le test ne le montre pas. Mais au niveau du Tour, c’est très important : à chaque fois qu’il fera chaud, il est quasiment sûr, avec ces qualités, de faire l’écart. »

G.Q