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Tour de France: les corps cétoniques, ces nouveaux produits qui envahissent le peloton

Les corps cétoniques (ou cétones) artificiels sont la nouvelle coqueluche du peloton. Pas considérés comme produits dopants par l’Agence mondiale antidopage, ils posent certaines questions éthiques comme de santé publique. Marc Madiot, le manager de Groupama-FDJ, n’y est pas favorable.

Wout Van Aert n’est pas la seule révélation de ce 106e Tour de France. Plus secrets, mais largement dans la lumière depuis la parution du journal L'Equipe mercredi, les corps cétoniques. Naturellement présents dans l’organisme et produits, par exemple, lors d'un entraînement à jeun, ces métabolites, fabriqués en nombre par le foie lorsque le stock de glucides est écoulé (ou qu’il faut le préserver), peuvent être stimulés par un biais médical artificiel qui a largement pignon sur rue dans les équipes du Tour.

Les détracteurs sont déjà nombreux

La pratique, qui n’a (encore) rien de dopante auprès des règlements, connaît donc un accroissement significatif dans le peloton, alors que bon nombre de coureurs du Tour de France y ont désormais recours, sous contrôle des staffs médicaux. A cette heure, les bénéfices connus sont légion: outre leur rôle supplétif au stock de sucres, ces corps tempèrent la montée d’acide lactique, améliorent la contraction du cœur, contrôlent l’appétit… Selon certaines études, ils offriraient aussi une meilleure récupération (très utile sur trois semaines), permettraient une alimentation optimale ou encore gommeraient le risque de surentraînement.

Côté effets négatifs, c’est encore le grand vide. Cette intervention humaine dans la façon dont un organisme consomme de l’énergie n’est pas sans poser bon nombre de questions, éthiques comme de santé publique. Peu d’études existent sur la consommation des corps cétoniques "artificiels" par les sportifs de très haut-niveau. Mais la mise en retrait du rôle des glucides lors de l’effort pourrait, par exemple, avoir des effets sur l’immunité, l’état de certaines muqueuses ou bien encore de la flore intestinale.

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Madiot milite pour l’interdiction

Dans le peloton, de nombreuses équipes assument leurs bons rapports avec les corps cétoniques, à commencer par la Jumbo-Visma, lauréate de quatre étapes depuis le départ de la Grande Boucle. La Deceuninck-Quick Step de Julian Alaphilippe ne passe pas son tour. A l'instar du Mouvement pour un cyclisme plus crédible (MPCC), Marc Madiot, le manager de Groupama-FDJ, ne cache pas sa méfiance. "Les cétones, nous, on n’y touche pas, a tonné le Mayennais au micro de RMC Sport ce jeudi. Le médecin et le nutritionniste (de l'équipe) n’y sont pas favorables, dans la mesure où on ne connaît pas les effets secondaires", rappelle-t-il.

"C’est perturbant dans la mesure où si ce produit a les qualités qu’on lui prête, réelles ou supposées, c’est quand même pour le moins ambigu. Ce n’est pas à l’ordre du jour chez nous". Et de proposer. "Je pense qu’on gagnerait à s’éviter ce genre de polémique en interdisant tout simplement pour régler l’affaire". Cela ne sera pas simple, d'autant que le produit n’est pas interdit par l’Agence mondiale antidopage. "Les études réalisées sur ce sujet n’ont pas montré d’augmentation de la performance", justifie l’agence, dans des propos rapportés par L’Equipe.

L’UCI délègue à l’AMA

Du côté de l'Union Cycliste Internationale, le flou est encore de mise. Face à l’emballement médiatique, David Lappartient, le président de l’UCI, a joué la montre. "Je ne vais pas vous donner aujourd’hui une position de l’institution internationale, explique le dirigeant à RMC Sport. C’est quelque chose que l’on regarde, j’ai saisi le directeur médical de l’UCI sur le sujet. Il faut aussi que ce soit appréhendé à une plus grande échelle, celle de l’Agence mondiale antidopage notamment. Est-ce un produit dopant ou pas? Est-ce que ça remplit les critères et les conditions? Est-ce que c’est dangereux pour la santé?", s'interroge le président français. Qui exige d’en savoir davantage sur cette nouvelle pratique avant d'avancer ses pions. "Aujourd’hui, il faut évaluer si les cétones en question ont une incidence négative et dangereuse sur la santé des athlètes. Dans ce cas, on pourrait intervenir."

PL avec SG, NP