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Tour de France (19e étape) – Le jour où Quintana a pris 32 petites secondes à Froome

Deuxième derrière Vincenzo Nibali ce vendredi à La Toussuire, Nairo Quintana est parvenu à décrocher Chris Froome dans les derniers kilomètres de l’ascension vers la station savoyarde. Trop tard pour créer un grand écart. Un coup d’épée dans l’eau à l’image de la tactique collective défaillante des Movistar.

Trois semaines qu’on salivait de voir ça. Qu’on espérait le feu d’artifice écrit à l’encre de la légende du grimpeur colombien censé malmener son adversaire britannique en haute altitude. Il aura fallu attendre les cinq derniers kilomètres de la montée vers La Toussuire, à deux jours de l’arrivée à Paris. Très tard. Trop tard. Nairo Quintana aura au moins réussi ce qui paraissait impossible depuis la démonstration de La Pierre-Saint-Martin : décrocher Chris Froome en montagne et gagner 30 secondes (32 exactement grâce aux bonifications) sur le maillot jaune. Ce n’est pas l’exploit du siècle. Mais sur cette Grande Boucle, ça reste un mini tour de force. Pour parvenir à ses fins, ''Naironman'' aura dû faire dans la double banderille.

Une première pour obliger ''Froomey'' à dodeliner de la tête pour revenir sur lui. Une seconde dès que le Britannique a fait la jonction. Contre parfait. Bye-bye Chris. Grimaçant, le leader de la Sky souffrait mais sans trembler non plus. En contrôle. Et là, les questions s’accumulent. Pourquoi ne pas avoir tenté plus tôt ? Pour prendre le moins de risques possibles et assurer sa deuxième place en cas de défaillance ? Si on est là, autant mettre Froome dans un train et le faire déjà défiler sur les Champs-Elysées. Et que dire de la tactique collective des Movistar ?

Guimard : « Movistar veut le double podium ou la gagne ? »

Dans un début d’étape fou-fou, les attaques se multipliaient dans le peloton maillot jaune. Alberto Contador à plusieurs reprises. Vincenzo Nibali aussi. A chaque fois, au lieu de laisser un Froome esseulé par ses coéquipiers faire l’effort et ouvrir la possibilité à un contre de Quintana, c’est Alejandro Valverde qui bouchait le trou sur les fuyards. Histoire de défendre sa troisième place… Un peu triste, il faut l’avouer. Même s’il ne lui a pris que 30 secondes, on en vient à se demander ce que Quintana aurait pu faire avec une révolte concertée des rivaux du maillot jaune.

« On ne comprend pas vraiment, confirme Cyrille Guimard, membre de la Dream Team RMC Sport. Dans le col du Chaussy, il y a eu une bagarre formidable et derrière il y a eu une neutralisation jusqu'à cinq kilomètres de l'arrivée : la Croix-de-Fer et le Mollard n'ont servi à rien, si ce n’est pour la victoire de Nibali. Froome était prenable aujourd'hui. Ou alors il a bluffé en laissant Quintana lui prendre une trentaine de secondes pour qu’on ne l’accuse de rien. On sent vite si son adversaire direct est moins bien que d’habitude. Est-ce que c’est qu’il n’y avait rien à sentir ou est-ce qu’ils n’avaient pas les jambes pour attaquer avant le final ? Si on veut vraiment gagner le Tour, quand on a deux coureurs deuxième et troisième au général comme Movistar, il faut en sacrifier un à un moment. »

Un embryon de suspense

« Dans la dernière montée, poursuit ‘‘le Druide’’, il fallait mettre Valverde à la barre et tester si Froome était bien ou pas. Si on le sent moins bien à 8-10 kilomètres de l’arrivée, l’écart peut être de 1’30’’. Movistar veut le double podium ou la gagne ? Ce n’est pas ce qu’on attendait. Le vrai combat n’a pas eu lieu. » Il reste une dernière chance, ce samedi vers l’Alpe d’Huez. S’il ne bouche pas les 2’38’’ de retard sur Froome, et on doute fort qu’il puisse le faire, Quintana devra se contenter de la deuxième place (comme en 2013) et du maillot blanc de meilleur jeune (comme en 2013 aussi). On espère juste que le vainqueur du Giro 2014 n’aura pas d’immenses regrets en se retournant sur sa Grande Boucle.

Alexandre Herbinet