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Tour de France (14e étape) : Pinot-Bardet, la soupe à la grimace

Seuls en tête au sommet de la côte de la Croix Neuve, Thibaut Pinot (FDJ) et Romain Bardet (AG2R) avaient l’occasion de rattraper un peu leur Tour raté. Ils ont finalement laissé échapper la victoire à Mende au Britannique Stephen Cummings (MTN), qui a su profiter de leurs tergiversations.

Tout était réuni. Le coup parfait, la situation idéale. Romain Bardet qui sort seul du groupe de tête et Thibaut Pinot qui le rejoint au sommet de la côte de la Croix Neuve, dernière difficulté du jour. Les grands espoirs du cyclisme français, troisième (Pinot) et sixième du Tour 2014, dans une explication frontale pour la victoire à Mende et l’occasion de sauver un Tour jusque-là catastrophique pour les deux. Restait à connaître l’identité du vainqueur. Il s’appelle… Stephen Cummings, 34 ans, premier coureur de l’équipe sud-africaine MTN-Qhubeka à remporter une étape de la Grande Boucle. Bardet et Pinot se sont regardés. Romain et Thibaut ont trop tergiversé. Et le Britannique s’est fait un malin plaisir d’aller les sauter.

Frustration immense. Incompréhension, aussi. Comment manquer le coche de cette façon quand on a déjà tant à se faire rattraper et que le succès vous est promis ? « Si vous ne collaborez pas à deux kilomètres pour éviter le retour d’un troisième larron, vous faites une faute, c’est évident, estime Cyrille Guimard, membre de la Dream Team RMC Sport. On voit le geste de Bardet à 150 mètres de la ligne d’arrivée, quand il comprend qu’il n’y aura pas de victoire … Il se tape la tête avec la main. Au sommet, il fallait se relayer. Faire du surplace aux 200 mètres était possible mais en regardant quand même derrière. A partir du moment où ils se sont rejoints, il fallait tout de suite qu’ils se mettent d’accord pour prendre des relais rouler ensemble au moins jusqu’à la flamme rouge. Bardet ne va pas rouler avec Pinot dans la roue pendant 1,5 kilomètre et inversement. Mais à un moment, il faut accepter de collaborer. Là ils ont fait un ‘‘à toi, à moi, je m’appelle Thibaut, je m’appelle Romain’’ et à la sortie vous êtes marron. »

Tombé en début d’étape mais présent dans l’échappée pour aider Pinot, son leader à la FDJ, Jérémy Roy ne disait pas moins à l’arrivée. Mais avec un discours plus feutré. « C’est dommage si les deux n’ont pas collaboré alors qu’ils étaient en tête, lançait-il. Ça peut être très frustrant pour l’un et pour l’autre. Il faut leur poser la question pour savoir ce qu’il s’est passé. » Impossible auprès de Pinot, vite reparti sans s’arrêter devant les micros une fois la ligne franchie à la deuxième place.

Bardet : « C’est dommage parce qu’on est amis avec Thibaut »

Troisième de l’étape, comme au Plateau de Beille, Bardet aura au moins assumé en livrant son explication du final aux médias : « Je commençais à être un peu dans le dur, donc j’ai passé un relais. Là, Cummings nous reprend et je ne sais pas ce que fait Thibaut dans le virage, il lui laisse un trou. C’est dommage parce qu’on est amis avec Thibaut et on se fait avoir. On a tous les deux raté notre Tour pour l’instant et ça aurait été bien que l’un de nous deux puisse gagner. C’est extrêmement décevant. C’est difficile de manquer des occasions comme ça. Je n’ai pas vu Cummings revenir. Je marquais exclusivement Thibaut, je pensais en faire mon affaire au sprint. Je ne connaissais pas du tout le final et j’ai vu que Thibaut a laissé dix mètres à Cummings dans la descente. On a viré un peu moins vite et quand j’ai pris un relais à 500 mètres de l’arrivée, c’était trop tard. »

Directeur sportif de l’équipe AG2R La Mondiale, Julien Jurdie partage la frustration de son coureur : « Au kilomètre, j’étais très optimiste sur la victoire de Romain. Je me suis beaucoup enthousiasmé dans la voiture et le volant a pris un bon coup de poing après la ligne. Dans les deux derniers virages en enfilade, la cassure que fait Thibaut coûte cher aux deux. A cette vitesse-là, c’est impossible de revenir. » La déception est immense. Alors on se raccroche à ce qu’on peut. « On va positiver car on va reprendre quelques minutes au général », lance Jurdie. Bardet passe 12e à 13’10’’ de Chris Froome, un rang derrière Warren Barguil. Pinot prend la 17e place à 30’57’’ du maillot jaune. Rien qui rattrape le goût et le prestige d’un succès sur le Tour. « Les minutes grappillées au général ? C’est anecdotique, confirme le coureur de la formation AG2R. Je voulais faire mieux que l’an dernier mais c’est râpé. J’aimerais remporter une étape mais c’est très difficile et j’ai encore laissé échapper une occasion aujourd’hui. » Une grosse occasion, même.

Alexandre Herbinet