
Prudhomme : "Je n’ai pas entendu les gens siffler Chris Froome"

Christian Prudhomme - AFP
Le climat sur les routes du Tour
« On parle beaucoup de ça mais 99,99% des gens ont le sourire. Il y a des familles qui encouragent, mettent des drapeaux français et crient "Vive le Tour" ou éventuellement "Non au loup". Depuis deux jours, on me remercie comme jamais. Il faut faire attention à la distorsion totale entre cette réalité et ce qui se fait dans les médias et donc ce que les gens comprennent parce qu’il y a forcément une corrélation. Le bruit médiatique ne correspond pas une seconde à ce qui se passe sur place. Il faut interroger les gens. Il n’y a pas de pancartes anti-Froome. Lors du podium hier (à Gap, ndlr), j’ai fermé les yeux et j’ai écouté. Il n’y avait pas de sifflets (contre Froome, ndlr). En revanche, il y avait beaucoup plus d’applaudissements pour Sagan (2e de l’étape et maillot vert) et Quintana (2e du classement général et maillot blanc), bien sûr que oui. Forcément, le bruit médiatique pollue et sur des esprits faibles, il peut y avoir des dérapages. »
Le jet d’urine sur Chris Froome
« Ce n’est pas le premier à qui ça arrive. C’est rarissime. Des coureurs d’un immense talent, et même Jacques Anquetil, n’ont pas toujours été appréciés sur les routes du Tour de France. Eddy Merckx, le plus grand champion de l’histoire, ne l’a pas été non plus. Il y a deux ans, Mark Cavendish avait aussi reçu des jets d’urine. C’est évidemment condamnable et c’est pour cela que j’ai voulu le dire clairement. Tous les coureurs du Tour et le maillot jaune sont des gens respectables et les gens les encouragent. Si certains n’aiment pas les coureurs qui sont devant, c’est très simple : qu’ils n’aillent plus au bord de la route. Il restera suffisamment de monde. Le Tour, c’est grosso modo 12 millions de spectateurs pendant trois semaines. Il n’y a pas 12 millions de gens respectueux. Il y avait juste un imbécile et plus on en parle, plus il peut se passer des choses dans le cerveau de quelques dingues. »
Un Tour déjà plié ?
« On dit que le Tour est fini mais ce n’est pas le cas, même si la position de Chris Froome est forte. Au-delà de ses 3’10’’ d’avance sur Quintana et de ses 3’32’’ sur Van Garderen, c’est surtout l’impression qu’il a donnée qui nous frappe. Y compris sa domination des dix premiers jours parce que la moitié de son avance a été prise en Zélande (lors de la 2e étape, ndlr). Et les deux tiers de son avance ont été pris sur le plat alors qu’on imaginait plutôt le contraire, c’est-à-dire un Froome en train d’attaquer pour faire son retard. Mais on ne peut pas dire que c’est fini avec tout ce qu’il reste à faire, en montée et en descente. Avec la canicule et les différences de température, il va y avoir des surprises. On l’a encore vu avec la chute de Geraint Thomas dans la descente du col de Manse. Heureusement, il n’a rien mais c’est absolument fou. Tout est encore possible. »
Quintana, un coureur à part
« J’ai eu moment particulier avec Quintana à Gap. J’étais derrière le podium en train de répondre à des interviews. Il vient avec son traducteur, se pose sur son vélo. Je lui dit : "Tu sais que les gens t’aiment." Et il me répond : "Oui mais pourquoi m’aiment-ils ?" J’ai trouvé cette question phénoménale parce qu’elle montre que ce petit gars de 25 ans a une approche complètement différente. Il était incroyablement détendu alors que j’avais envie de lui : "Rentre, va te reposer à l’hôtel. Pourquoi tu discutes avec moi ?" Et il restait là, comme s’il avait absolument tout son temps, avec une distance incroyable vis-à-vis des choses de la course. »