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Dopage : vers un déballage à deux vitesses

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La commission d'enquête du Sénat rend public ce mercredi son rapport sur les pratiques dopantes en France, en particulier dans le peloton lors des Tours 1998 et 99. Des noms de cyclistes dopés à l’EPO devraient être divulgués. Un procédé qui divise et fait débat.

Rangez flonflons, parades et musettes. Le 100e Tour de France est bel et bien terminé. Ce mercredi matin vers 10h30, le réveil pourrait même s’avérer brutal pour certains car le cyclisme pro va de nouveau devoir faire face à ses vieux démons. La commission d'enquête du Sénat, qui planche depuis fin février sur l'efficacité de la lutte contre le dopage en France, doit en effet rendre public le rapport « explosif » qu'elle comptait initialement dévoiler le 18 juillet dernier, jour de l'étape reine de l'Alpe d'Huez, sur « un état des lieux précis et circonstancié des pratiques dopantes » dans tout le sport en France, et en particulier dans le peloton lors des Tours 1998 et 99. A la clé, la liste de tous les coureurs dopés à l’époque à l’EPO, selon de nouvelles analyses anonymes effectuées en 2004 et que les travaux des sénateurs ont permis d'identifier pour la première fois.

Une semaine avant le départ du Tour, un seul nom avait fuité dans les colonnes du quotidien L’Equipe, provoquant un mini-séisme : celui de Laurent Jalabert, positif à l'EPO lors de cette mauvaise cuvée 98. Un cru de la Grande Boucle frelaté depuis l’affaire Festina et le grand déballage qui s’en est suivi. Un véritable jus de piquette, même, tant l’on sait désormais que l’usage de l'EPO était quasi systématique, organisé et généralisé dans le peloton durant les deux-tiers des années 1990 (Armstrong, Ullrich, Pantani, Riis, Zulle, Virenque, Leblanc, Berzin, Zabel, …). Sans parler du millésime 1999, qui coïncide avec le début du règne de Lance Armstrong.

Lavenu : « On dirait une chasse aux sorcières quinze ans après »

Mais quinze ans après les faits, on peut légitimement s’interroger sur la pertinence de la divulgation de cette liste, qui devrait figurer dans les annexes de ce rapport. Les autres sports seront-ils logés à la même enseigne ? D’autres noms de sportifs seront-ils jetés en pâture ? De quels moyens de défense jouiront les ex-coureurs incriminés, devenus pour la plupart des managers intègres d’équipes cyclistes ? Et quid des autres fédérations qui ordonnent la destruction des échantillons d’urine prélevés lors d’une compétition peu de temps après son terme, quand celle de cyclisme les conserve des années durant afin de les réanalyser a posteriori ? Vaste débat, qui n’est pas prêt de s’éteindre. En tout cas, « ce rapport n'a pas vocation à créer la polémique, souligne-t-on du côté de la commission d’enquête sénatoriale. Et les différentes disciplines sportives subiront un traitement équitable ».

« Est-ce que ça va faire avancer le cyclisme d’aujourd’hui ? Je n’en suis pas persuadé, s’interroge Vincent Lavenu, actuel directeur sportif d’AG2R La Mondiale et ancien manager de la formation Casino à la fin des années 90. Est-ce une occasion supplémentaire de jeter l’opprobre sur notre sport qui est pourtant celui qui a fait la plus grande révolution ? Ça, je le crois. Quelle est la raison profonde pour laquelle on agit de la sorte ? Je ne sais pas, il y a sûrement des raisons politiques. On verra ce qui va ressortir mais on dirait une chasse aux sorcières quinze ans. »

44 noms de coureurs jetés en pâture ?

Déterminée à briser la loi du silence, la commission sénatoriale devrait aller au bout de son action et ne pas prendre de pincettes. En théorie, car nul ne sait si les parlementaires ont depuis changé d’avis, notamment après avoir pris en compte les arguments avancés par le syndicat des coureurs professionnels (CPA) qui estime que « la publication d’une liste reviendrait à une accusation de défense sans aucun moyen de se défendre ! ».

Si tout se passe comme prévu, 44 noms de coureurs ayant carburé à l’EPO devraient donc être dévoilés. Une photographie finalement partielle et bien en-deçà de la réalité puisque selon le site spécialisé cyclisme-dopage.com, très pointu et renseigné sur le sujet, 86 coureurs en 1998 et 78 en 1999 ont été impliqués dans une affaire de dopage (contrôle positif, constat de carence, sanction pénale,..). Une époque révolue, mais qui colle aux roues d’une nouvelle génération qui en a marre de payer l’addition.

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Le titre de l'encadré ici

Durand, Desbiens, Pantani et Ullrich étaient aussi dopés en 1998|||

Selon le Monde, les anciens coureurs français Jacky Durand et Laurent Desbiens auraient été dopés à l’EPO lors du Tour de France 1998. Avec Laurent Jalabert, Durand (élu combatif des Tours 1998 et 1999) et Desbiens, qui avait porté le maillot jaune pendant deux jours, figurent sur la liste que la commission d'enquête sénatoriale sur l'efficacité contre le dopage doit dévoiler ce mercredi. Les trois coureurs présents sur le podium final en 1998 ont également été épinglés, à savoir l'Italien Marco Pantani et ses dauphins, l'Allemand Jan Ullrich et l'Américain Bobby Jullich. L'Allemand Erik Zabel, maillot vert en 1998 et 1999, est également visé.