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Bassons : « Donner des noms ne va rien changer »

Christophe Bassons sous le maillot de la Française des Jeux lors du Tour de France 1999

Christophe Bassons sous le maillot de la Française des Jeux lors du Tour de France 1999 - -

Rejeté par le peloton à la fin des années 1990 pour ses positions contre le dopage, Christophe Bassons estime que la révélation des noms des coureurs dopés sur les Tours de France 1998 et 1999 par une commission d’enquête sénatoriale, mercredi, ne règlera pas le problème. L’ancien cycliste attend surtout des propositions pour une lutte plus efficace et une réelle implication de l’Etat.

Christophe, qu’attendez-vous de ce rapport de la commission sénatoriale ?

Je pense que nous focalisons beaucoup sur l’année 1998-1999. Au fond, je ne vais pas attacher une grande importance à cette liste qui va sortir. Elle ne va pas changer les choses. J’attends plus le rapport et les propositions de lois. J’espère vraiment que ce rapport va orienter ces futures lois et que la ministre des Sports, Mme Valérie Fourneyron, suivra les recommandations de la commission du Sénat.

Quel sera l’effet de cette liste ?

Ce qui me dérange, c’est que nous allons connaître des noms de coureurs qui se sont dopés il y a des années. Cependant, cette démarche ne viendra pas d’eux-mêmes. Je ne sais pas si c’est bien de connaître ces noms. L’avantage est que, lorsqu’une personne dit ouvertement qu’elle s’est dopée il y a 15 ans, elle est honnête avec elle-même. Nous pouvons penser que cette personne blanchit un peu sa conscience et assume son passé. Mais, avec cette liste, nous allons être focalisés sur ce qui s’est passé il y a 15 ans et nous oublions ce qui se passe actuellement sur le Tour de France.

Est-ce le bon moment pour sortir ce rapport ?

Mieux vaut connaître la vérité tard que jamais. Au final, on va faire du mal à ces gens-là, même s’ils doivent assumer. Mais on ne va pas faire évoluer le système. Quand on dit que 95% des sportifs étaient dopés à l’EPO, cela suffit à connaître la gravité du problème il y a quinze ans.

« Le gouvernement doit reprendre la main »

Craignez-vous pour l’avenir du cyclisme ?

Je me suis amusé à regarder le nombre de directeurs sportifs actuels qui étaient coureurs en 1999. C’est énorme. Si, au final, nous apprenons qu’ils étaient dopés à l’EPO, est-ce que c’est pour cela qu’ils vont arrêter d’être directeurs sportifs ? C’est une question que l’on va se poser. J’ai du mal à admettre que ces personnes sont capables de vivre dans les mensonges. Je ne comprends pas, d’autant plus que le cyclisme est censé véhiculer des valeurs.

Quelles propositions espérez-vous de la part du gouvernement ?

Pour moi, il y a pas mal de propositions. Mais, à un moment donné, le gouvernement va devoir choisir entre le fait d’avoir une nation en tête au niveau mondial en termes de résultats sportifs et le choix de la protection des sportifs. Il est impossible de faire les deux. Nous avons que les sportifs ne peuvent pas gagner tous les championnats du monde sans être dopés. C’est impossible. Je trouve cela absurde d’aller sur les deux fronts. Le gouvernement doit reprendre la main sur la lutte contre le dopage. Pour ma part, donner autant de pouvoirs aux fédérations internationales est inadmissible, notamment le poids des sanctions et celui de la mise en place des contrôles. Il faut recentrer le rôle des fédérations sur la prévention.

Le cyclisme est le sport le plus touché en matière de dopage. Et les autres sports ?

Dans le cyclisme, nous essayons de lutter contre le dopage. Nous évoluons très bien. Mais, dans d’autres sports, on annihile le fait qu’il y ait du dopage. De ce fait, nous risquons de nous retrouver dans la même situation que le cyclisme dans dix ans. C’est inquiétant. La France doit se positionner sur les produits qui sont autorisés et ceux qui sont interdits. Il y a un problème avec les corticoïdes. Tout cela doit être mis à plat afin de pouvoir évoluer. Malheureusement, depuis 1999, la France va de l’arrière au lieu d’aller de l’avant.

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Propos recueillis par Caroline Bauer