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"Si on ne bouge pas, le cyclisme français est en grand danger", le cri d'alarme de la fédération

Interrogé par RMC Sport, Michel Callot, président de la Fédération française de cyclisme, explique pourquoi il demande dans un communiqué au gouvernement de lever l’interdiction de réaliser des sorties à vélo à partir du 11 mai, date de fin du confinement. Il ne cache pas son inquiétude pour la suite de la saison cycliste.

Pourquoi est-ce vital pour vous que, dès le 11 mai, tous les pratiquants du cyclisme puissent reprendre individuellement?

Cela nous semble, au-delà de vital, extrêmement logique. De la même manière que la FFC est entrée avec détermination dans la logique de confinement et a appuyé, par des démarches très fortes vis-à-vis de ses licenciés, mais vis-à-vis de toute la communauté cycliste, les attentes de notre gouvernement en matière de confinement. Cela nous a paru extrêmement logique. La priorité est vers le sanitaire, vers les soignants, vers toutes ces problématiques majeures.

Si on la fait de cette manière-là, c’est parce qu’on était convaincu que la pratique des sports individuels, quelle qu’elle soit, aurait entraîné beaucoup de monde à sortir, et pas que pour faire du vélo. A partir du moment où on rentre dans une logique de déconfinement, même progressive et très encadrée, cela veut dire qu’on va relancer les transports. On peut difficilement entendre qu’à Paris on réfléchit à réserver des artères au vélo pour désencombrer les transports publics, et dans un même temps ne pas pouvoir l'utiliser pour faire du sport. En sachant que le sport fait partie de l’équilibre de la vie et permet à certaines personnes de rester en bonne santé.

Ce ne sera pas trop risqué, ni trop tôt, pour reprendre une activité cycliste individuelle?

L’activité ne présentera pas plus de risques qu’avant, elle en présentera même peut-être un petit peu moins car les flux de circulation sur les routes ne seront pas les mêmes qu’avant la crise. Dès lors qu’on s’entraîne seul, qu’on respecte les gestes barrières, qu’on a pas de contact avec d’autres cyclistes, qu’on ne forme pas de groupe et ça c’est très important, il me paraît que cette activité n’est pas plus dangereuse que deux mois auparavant.

Comment assurer la sécurité des pratiquants dans les clubs?

Ce travail, on le fait comme toutes les fédérations concernées par des sports d’été. Il se fait entre nos techniciens et nos médecins. Les deux réfléchissent ensemble sur comment s’y prendre au mieux pour aménager l’accueil dans nos clubs. Cela veut dire que certains exercices ne pourront plus se faire. Par exemple, aller rouler en groupe sur la route, du moins au début. Certainement, des exercices dans les écoles de vélo où on échangeait le matériel, où on se touchait. Cela, il faut l’écrire, le documenter.

On respectera ce que nous dira le ministère des Sports, c’est-à-dire qu’on soumettra notre plan d’accueil dans les clubs au service du ministère. Je crois que la vie associative doit renaître dans notre pays, avec toutes les précautions, mais comme on va faire renaître, à partir du 11 mai, la vie en entreprise. Il doit y avoir un parallélisme entre les deux.

Comment faire respecter les gestes barrières dans les clubs? Les masques sont-ils une solution envisageable?

Je vois difficilement une pratique sportive avec un masque. On verra ce que contiennent précisément les mesures qui vont accompagner le plan de déconfinement. Mais il me semble que le masque est annoncé comme obligatoire dans certaines circonstances, je pense notamment aux transports. Ce n’est pas le cas dans une école de cyclisme, on travaille dehors, en plein air, avec de l’espace permettant de s’écarter les uns des autres.

En revanche, nous avons d’autres précautions à prendre, très spécifiques. Par exemple, il faudra nettoyer les outils qu’on peut utiliser lors des entraînements, mais aussi approvisionner nos clubs en gel. Tout ceci doit être validé par notre médecin et le ministère.

Avez-vous discuté de toutes ces mesures avec le ministère des Sports?

Le ministère travaille beaucoup pour produire ses conclusions par rapport au domaine spécifique du sport dans l’ensemble des plans de déconfinement. Mais c’est difficile, pour les sports d’été je trouve, de faire entendre notre particularité. On a eu beaucoup d’approches autour des grands sports collectifs, je le comprends, avec leurs particularités, mais avec également des championnats, notamment dans l’univers amateur, qui vont reprendre assez naturellement, plutôt dans une perspective de rentrée scolaire.

C’est très différent pour les sports d’été. Nous, nous commencions notre saison au moment où une interruption brutale a été annoncée. Maintenant, nous devons travailler pour pouvoir reprendre une saison sportive, même si elle est différente. C’est ce message qu’on doit faire passer à nos partenaires, ministère compris.

Au moment d’établir des conditions d’accueil, avez-vous eu des contacts avec d’autres fédérations? Menez-vous un mouvement avec elles?

Oui. J’ai l’occasion de discuter avec d’autres présidents de fédérations, en particulier de sports individuels et de sports d’été. On essaie de rapprocher nos conclusions, de rapprocher nos plans. On a pleins de choses à s’apprendre. On sent naître de véritables solidarités. On a eu cette semaine une action forte avec la fédération automobile et de la moto sur un souci administratif qui, aujourd’hui, nous pose problème pour organiser des manifestations.

Vous évoquez l'idée de mettre en place de nouvelles formes d’épreuves. En quoi cela consiste?

On se dit qu’on peut avoir des formats qui se prêtent mieux à recommencer le cyclisme. Je vous donne un exemple: le contre-la-montre. En plus, cela tombe bien car cela fait partie de notre plan fédéral de relancer le contre-la montre en France. On a là une opportunité. Lorsqu’on fait un contre-la montre, nous n’avons pas cet effet peloton qui peut être gênant, au moins dans un premier temps.

Pourrait-on avoir une limitation du nombre de coureurs ou des épreuves plus courtes?

Le contre-la montre était un exemple, mais on peut en trouver d’autres. Chez les jeunes, on a eu des périodes dans l’histoire de notre fédération, pour les cadets notamment, où on faisait des séries de sprint pour faire de la détection pour la piste. Et cela se fait avec des petits groupes. On peut également imaginer des formats de courses en circuit, notamment sur des petits circuits, où on pourrait reproduire des schémas qui ressemblent un peu plus à la piste. Sur un vélodrome ou une piste de BMX, on peut facilement quantifier le nombre de personnes qu’on met en même temps. Cela nous permettrait de répondre aux jauges fixées par les mesures gouvernementales.

Etes-vous inquiet pour le reste de la saison cycliste? Avez-vous peur de voir des courses disparaître?

Oui, c’est une inquiétude majeure. Sur notre calendrier, la FFC regroupe chaque année un peu plus de 10.000 épreuves. On s’attend d’ores et déjà à perdre plus de la moitié de ces épreuves. C’est énorme! Pour la deuxième partie de saison, on sent bien qu’un certain nombre d’organisateurs sont en danger, par rapport à la difficulté de financer leurs épreuves.

Imaginez, dans les associations, il faut travailler à distance. C’est quand même très très compliqué. Et ce n’est pas du tout en rapport avec la dynamique associative. Donc je suis effectivement très inquiet. Le communiqué aujourd’hui c’est aussi un cri d’alarme. Si on ne bouge pas fortement, le cyclisme français est en très grand danger.

Qu’est-ce qui pourrait être mis en place pour limiter cette hécatombe?

Il faut redonner de l’activité à nos cyclistes. Parce qu’il faut se ré-entraîner avant de pouvoir refaire de la compétition. C’est pour cela que c’est important que nos cyclistes puissent retourner à l’entraînement rapidement. Ensuite, il faut que cette dynamique d’activité de club puisse se ré-enclencher, même si elle très particulière. Il faut un redémarrage de la compétition très vite. J’espère vraiment qu’on pourra le faire avant le mois de juin pour pouvoir relancer cette dynamique et se retrouver sur un circuit de compétition plus normal.

Le Tour de France devra nécessairement être précédé d’épreuves inscrites au calendrier français pour que nos professionnels puissent faire des courses. Et de fait, si on peut faire des courses professionnelles, qui sont quand même des spectacles sportifs, on doit pouvoir être en capacité d’organiser pour nos amateurs.

Propos recueillis par Nicolas Ledru