
Pinot : "J’arrive dans mes belles années"

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Thibaut, comment qualifier votre année ?
Elle a été excellente. Si on m’avait dit que je finirais avec le maillot blanc et la troisième place du Tour de France, je n’y aurais jamais cru. Monter sur le podium, c’est quand même quelque chose de rare pour un Français ces derniers temps. C’était vraiment une année bien remplie et j’espère que la prochaine se passera aussi bien.
Vous rappelez-vous de votre état d’esprit au début de ce Tour 2014 ?
J’avais un peu de crainte. On a toujours la boule au ventre au départ d’un Tour de France. On part pour trois semaines avec beaucoup de pression. On a axé notre saison là-dessus et on a un peu peur de se louper. Au fil des jours, on se détend et on commence à lâcher les chevaux.
Après les abandons des favoris Chris Froome et Alberto Contador lors de la première semaine, vous avez dû vous dire qu’il y avait un gros coup à faire …
L’objectif initial était de faire un Top 10 et ça ne faisait gagner que deux places. Après, il restait Nibali (le vainqueur final, ndlr), Valverde, Porte ou van Garderen, qui sont des coureurs avec de l’expérience. Il fallait être vraiment plus fort qu’eux pour être devant. Depuis 2012, j’ai de plus en plus la chance de me confronter aux meilleurs. Cette année, j’étais vraiment dans le truc. C’était vraiment sympa. J’ai senti que j’avais passé un cap parce que je n’ai pas connu de grosse journée sans. Et les jours où je n’étais pas bien, j’ai réussi à limiter la casse. J’ai senti que j’avais plus de caisse.
A un moment, vous êtes-vous dit que c’était possible de gagner le Tour ?
Non, jamais. Au fil des étapes, on se dit que le podium est tout prêt. Après, pour gagner, il fallait aussi une chute de Nibali et il ne fallait pas rêver quand même…
« Porter le maillot jaune quelques jours, ce serait déjà fabuleux »
Que s’est-il passé dans votre tête au moment de monter sur le podium aux Champs-Elysées ?
C’était la fête. Tout le monde est content de finir le Tour après trois semaines éprouvantes. Il m’a fallu deux semaines pour vraiment réaliser. On va s’en souvenir de ce Tour 2014 parce que je ne sais pas quand on reverra deux Français sur le podium (Jean-Christophe Péraud a pris la deuxième place, ndlr). Il faut en profiter.
Qu’est-ce qui a changé par rapport à votre Tour 2013 raté ?
Ce qui a été dur à encaisser, c’est que j’ai réussi ma saison la plus aboutie en 2013. Mais en tant que coureur français, on est jugé sur le Tour de France. Il y avait beaucoup de fatigue physique et mentale. Je pense que c’est ce qui m’a fait perdre. Cette année, j’avais vraiment la rage. Je voulais montrer ce que je valais. J’ai aussi progressé dans mon rôle de leader. Je pense que je l’ai bien assumé cette année et j’espère que ce sera encore mieux l’an prochain. J’espère encore passer des caps au Tour de France, mais pas seulement. Il y a aussi d’autres courses et j’espère être un leader constant dans les résultats.
Est-ce possible de faire mieux sur le Tour de France ?
C’est possible, il faut y croire mais ça va être dur. Si j’arrive à faire un top 5 en 2015, j’aurai confirmé mon podium, ce qui n’est pas simple. Les meilleurs sont jouables sur certaines étapes mais sur trois semaines, c’est autre chose. Je finis à 8 minutes de Nibali, ça montre qu’il y a quand même un écart. Les favoris comme Froome, Contador ou Nibali sont des coureurs qui ont la trentaine, à part Quintana (24 ans) qui est un phénomène. Mais il faut être patient. Je n’ai pas encore 25 ans. J’arrive dans mes belles années et je saurai vers 28 ou 29 ans si j’ai la capacité ou pas de remporter le Tour de France.
Vous ne vous interdisez donc pas de rêver…
Gagner le Tour de France, c’est l’objectif de ma carrière. Il y a beaucoup de chances que j’échoue mais je me laisse le droit de penser que je peux le faire un jour. C’est ce qui me fait pédaler le matin quand je pars à l’entraînement. Ne serait-ce que porter le maillot jaune, qui est celui qui fait le plus rêver avec celui de champion du monde, ce serait déjà fabuleux.