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Dopage : les petits arrangements entre Armstrong et l’UCI

Lance Armstrong et Hein Verbruggen lors du Tour de France 2000

Lance Armstrong et Hein Verbruggen lors du Tour de France 2000 - AFP

Le rapport de la Commission indépendante de réforme du cyclisme publié lundi jette une lumière crue sur les liaisons dangereuses entre l’UCI et Lance Armstrong, qui a longtemps permis à l’Américain de passer sous le radar de l’antidopage. Au milieu des 227 pages, quelques récits ne manquent pas de piquant. La preuve en trois histoires édifiantes.

Armstrong met son nez dans une enquête… sur lui-même !

En octobre 2005, l’UCI charge le Néerlandais Emile Vrijman de mener une enquête indépendante suite aux révélations de L’Equipe sur un test positif à l’EPO subi par Lance Armstrong sur le Tour de France 1999. Une décision prise sous la pression de l’Agence mondiale antidopage (AMA), qui a décidé de mener ses propres investigations face à l’inertie de l’instance dirigeante du cyclisme. Décidée à vite se débarrasser de ce dossier embarrassant, l’UCI limite le périmètre d’enquête de Vrijman au maximum et lui intime l’ordre de rendre son rapport au plus vite. Face à cette pression, le Néerlandais est contraint de rendre un rapport préliminaire dès janvier 2006. Envoyées à l’UCI, ces 16 pages atterrissent également sur le bureau de… l’avocat d’Armstrong, Mark Levinstein. Ce dernier ira même jusqu’à ajouter des passages pour critiquer l’AMA et mettre en doute les méthodes du laboratoire de Châtenay-Malabry.

Censé envoyé une première version de son rapport le 26 février, Emile Vrijman n’en fait rien et se voit signifier un mois plus tard la fin de son mandat. Mais le Néerlandais poursuit son travail, toujours en liaison avec Levinstein. En avril 2006, l’AMA et son président Dick Pound sont informés qu’une version finale du rapport aurait été envoyé à l’UCI et en réclament une copie à Hein Verbruggen. Le président de l’UCI répond alors qu’il n’en est rien alors qu’il a déjà envoyé un résumé à l’avocat d’Armstrong. Pendant une semaine, les échanges seront nombreux entre Vrijman et Philippe Verbiest, le conseiller juridique de l’UCI, pour mettre la dernière main au rapport à coups de changements, d’ajouts et de corrections. Avec toujours dans la boucle un certain Mark Levinstein, qui soutiendra même Vrijman lorsque Verbruggen mettra un terme à son contrat avec l’UCI le 11 mai 2006. La version finale du rapport, envoyée à tous les parties le 31 mai, blanchit Armstrong et tacle les autorités antidopage. En tout indépendance, évidemment.

Armstrong balance ses rivaux

Avant le Tour de France 2003, Lance Armstrong ne goûte pas vraiment les énormes performances observées sur le Critérium du Dauphiné (notamment celle d’Iban Mayo, 2e, ndlr). Inquiet pour sa quête d’une cinquième Grande Boucle d’affilée, l’Américain prévient l’UCI qu’elle doit se montrer particulièrement vigilante concernant l’usage d’hémoglobine de synthèse et d’AICAR au sein du peloton. L’instance, qui avait déjà informé au début de l’année qu’elle pouvait détecter l’hémoglobine de synthèse, renvoie dans la foulée une lettre à tous les coureurs pour les prévenir à nouveau. Un avertissement qui a visiblement eu pour effet, quelques semaines plus tard, de ralentir certains rivaux de l’Américain lors du Tour. Qui finira bien une cinquième fois sur la plus haute marche du podium sur les Champs-Elysées.

Armstrong, un passe-droit pour un rendu à McQuaid

Trois ans après avoir tiré sa révérence sur un septième maillot jaune ramené à Paris, Lance Armstrong annonce son retour en 2008. Un comeback qui doit avoir pour premier théâtre le Tour Down Under. L’Américain a ainsi monnayé pour 3 millions de dollars sa participation aux éditions 2009, 2010 et 2011. Problème : les règles antidopage ne l’autorisent à recourir qu’à partir du 1er février 2009 alors que l’épreuve australienne se tient du 20 au 25 janvier. Le 2 octobre 2008, Pat McQuaid informe lui-même l’entourage du Texan qu’il doit changer ses plans. Il fait même parvenir à Armstrong une lettre pour justifier sa décision. Une missive en fait uniquement destinée à couvrir ses arrières car un terrain d’entente a d’ores et déjà été trouvé. En échange de cette faveur, Armstrong participera au Tour d’Irlande, dont le chef de projet n’est autre que Darach McQuaid, frère de Pat… Une course qui a alors cruellement besoin d’un coup de projecteur après que son sponsor principal ait réduit de moitié sa participation. Fin octobre, une nouvelle lettre est envoyée aux organisateurs du Tour Down Under et à Lance Armstrong pour annoncer qu’il pourra bien prendre part à la course. Et le 4 décembre, « LA » déclare comme par magie son intérêt pour un Tour d’Irlande qu’il n’avait plus fréquenté depuis… 1992.