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F1: l'annulation rocambolesque du Grand Prix d'Australie

Le Grand Prix d'Australie de Formule 1 a été officiellement annulé ce vendredi, une heure et demie avant le début des essais libres, après d'absurdes tergiversations de l'organisation et de la FIA face à la pandémie de coronavirus, dont souffre un membre du paddock. De la confiance aveugle à la prise de conscience, récit d'une annulation surréaliste.

"La FIA ne peut pas annuler." Deux heures et demie avant le début des essais libres du Grand Prix d'Australie (et près d'une heure avant l'annulation officielle), un des portes-paroles de la Fédération internationale de l'automobile (FIA) a exposé la réalité. Celle de l'argent face à la santé: "Il y a trop d'accords commerciaux qui nous reviendraient." En annulant elle-même la course d'Albert Park, l'instance dirigeante de la F1 aurait dû rembourser à l'organisation la perte causée par la suppression de l'ouverture de la saison.

Qu'elles semblent loin, les invraisemblables déclarations du début de semaine. Rappelez-vous: "Aucune chance que le GP d'Australie se dispute à huis clos." Quatre jours seulement avant la déclaration du porte-parole de la FIA, le patron de l'épreuve Andrew Westacott affichait sa confiance quant au déroulement normal de l'ouverture de la saison de F1. Pourtant, tout brûlait déjà depuis longtemps autour du paddock.

La FIA ne répond plus

Samedi dernier, le circuit de Bahreïn officialisait le huis clos du deuxième GP de la saison (22 mars), après l'évolution dramatique de la situation en Italie. Ferrari et Alpha Tauri, les écuries basées de l'autre côté des Alpes, n'étaient donc plus les bienvenues. La question se posait aussi au sujet de la présence des équipementiers officiels, eux aussi transalpins: Pirelli (pneus), Brembo (freins) et Magneti Marelli (systèmes électroniques). Mais l'Australie a finalement laissé l'accès au territoire à toutes les écuries. A Melbourne, la FIA ne répond plus.

Pire, Andrew Westacott s'exprime donc deux jours après le communiqué de Bahreïn et se félicite d'une situation favorable en Océanie. "Ce n'est pas du tout le cas d'un huis clos, avait-il assuré. Quand vous regardez les 86.000 spectateurs qui étaient dimanche soir au Melbourne Cricket Ground (pour la finale de la Coupe du monde féminine de cricket), et les rencontres de football australien à venir, il faut prendre les choses de façon très prosaïque et avancer en prenant les mesures de précaution nécessaires."

Un test positif au COVID-19

Quelles mesures? Personne ne le saura jamais. A l'heure de ces annonces, toutes les écuries étaient déjà présentes dans le paddock... Et dès mardi, des doutes naissaient quant à des symptômes chez certains membres d'écuries. Des tests aux COVID-19 sont alors menés sur plusieurs d'entre eux. Jeudi, le couperet est tombé. Tous négatifs, à l'exception d'un, celui d'un membre de McLaren. L'écurie britannique a alors pris la décision de se retirer.

Juste avant les résultats, la conférence de presse avait offert une tribune dorée au sextuple champion du monde Lewis Hamilton. "Je trouve choquant que l'on soit tous ici, assis dans cette salle. (...) On a appris que les frontières des Etats-Unis se fermaient aux Européens et que la saison de NBA était suspendue, mais la F1, elle, continue."

"L'argent est roi"

Le Britannique s'est même fendu d'un trait de sarcasme après avoir appris que les résultats des tests seraient donnés sous cinq jours, donc après la course. "L'argent est roi", avait-il conclu. Après avoir pris connaissance des résultats, la Formule 1 a déclaré "se coordonner avec les autorités pour les prochaines étapes", sans évoquer le scénario du report ou de l'annulation.

Pourtant, Ross Brawn, le directeur technique et sportif de la Formule 1, avait confirmé qu'une course sans une des dix équipes ne pourrait pas compter pour le championnat... Les préoccupations purement sportives, telles qu'un classement équitable pour McLaren (une course en moins) ne sont désormais plus évoquées. Après la contamination chez McLaren, la FIA ne s'exprimera plus pendant près de douze heures.

Cela se comprend aisément, puisque l'Australian Grand Prix Corporation (AGPC) et la FIA jouent en fait une curieuse partie de ping-pong. Pendant des heures, il a été question de ne pas perdre la partie, sous peine d'annoncer l'inévitable, et de perdre beaucoup d'argent (l'organisateur ne voulant pas cracher sur le remboursement des accords). Officiellement, Ross Brawn a déclaré ce vendredi que l'attente était due à la consultation "des équipes, des médecins, de la FIA, des promoteurs..."

Un Grand Prix maintenu jusqu'à la dernière seconde

Jusqu'au bout, l'organisation assurait aux journalistes l'impossibilité d'une annulation, donc le maintien normal du week-end. Avant que le Premier ministre de l'Etat de Victoria (Melbourne en est la capitale) ne sème la confusion en annonçant le huis clos du GP, "si course il y a". Puis Mercedes a arrêté les hostilités en publiant une lettre pour demander l'annulation du Grand Prix au nom de "la sécurité des employés".

Au même instant, la FIA communiquait l'annulation du Grand Prix d'Australie avec "le soutien total de l'AGPC", qui renonce au remboursement des accords. Les pilotes se sont ensuite accordés pour déclarer qu'il s'agissait de la meilleure issue possible. Ross Brawn a avoué avoir été "surpris" par la rapide évolution de la pandémie, qui aurait pris de court la FIA et causé ses hésitations. Pour finir cette drôle de semaine, le directeur de Formula One Group, Chase Carey, a mené ce vendredi matin une conférence de presse exceptionnelle pour justifier la décision. Les Grands Prix de Bahreïn et du Vietnam (5 avril) sont désormais menacés. Les deux prochaines manches du championnat ne devraient pas être disputées.

Théo Troude