
Crash de Grosjean: halo, combinaison, ce qui a sauvé le Français dans ses 28 secondes d’enfer
Vingt-huit secondes en enfer. Romain Grosjean a tutoyé la mort ce dimanche lors du Grand Prix de Bahreïn. Le pilote français de 34 ans a été victime d'un terrible accident sur le circuit de Sakhir, à Manama, la capitale du pays. Après avoir été touchée à l'arrière par la Alpha Tauri de Daniil Kvyat, sa monoplace s'est fracassée dès le premier tour contre un rail de sécurité. La violence du choc a coupé le véhicule en deux, avant qu'il explose et prenne feu au bord de la piste. De quoi craindre le pire pour le pilote Haas, qui s'est finalement extrait seul du brasier, avant d'enjamber une barrière carbonisée et d'être pris en charge par les médecins.
La scène a choqué l'ensemble du paddock. Il faut dire qu'elle est assez hallucinante. Le fait que Grosjean soit quasiment indemne également. Transporté à l'hôpital, le natif de Genève (Suisse) souffre de brûlures sur le dessus des deux mains. Un moindre mal vu la violence de l'impact (53G) et le temps passé dans son cockpit embrasé. "Je suis tellement reconnaissant que Romain soit sain et sauf, a réagi Lewis Hamilton sur Twitter. Le risque que nous prenons n'est pas une blague, pour ceux d'entre vous qui oublieraient que nous mettons notre vie en jeu pour ce sport. Merci à la FIA pour les progrès considérables que nous avons faits."
Le Nomex, une fibre ultra-résistante à la chaleur
Des progrès qui permettent aujourd'hui aux pilotes de disposer de combinaisons ultra-performantes. Ces tenues légères, anti-transpirantes et ignifugées (qui valent entre 3.000 et 4.000 euros) sont notamment conçues à base de Nomex, une fibre synthétique résistant aux flammes et aux chaleurs extrêmes. Ce matériau de sécurité haut de gamme est commercialisé par l'entreprise américaine "DuPont", fondé en 1802 par Éleuthère Irénée du Pont de Nemours, un chimiste français, exilé aux Etats-Unis après la Révolution. Il permet de protéger la peau d'un pilote le plus longtemps possible. Jusqu'à 45 secondes à près de 700 degrés.
Les sapeurs-pompiers ou les militaires y ont recours. Le secteur de l'aérospatial, l'industrie minière ou les infrastructures électriques l'utilisent également. On en retrouve aussi dans les coques de certains voiliers de compétition. En F1, deux poignées au niveau des épaules permettent d'attacher la combinaison au siège d'une monoplace. En cas d'accident grave, le pilote peut ainsi être extrait en restant assis sur son siège, sans avoir à être déplacé au préalable. Sous leur tenue, les stars du paddock portent des sous-pulls et des caleçons longs, qui sont également fabriqués avec du Nomex, afin de protéger les parties les plus sensibles du corps.
Une sécurité nettement améliorée au fil des années
Le précieux aramide se retrouve aussi dans les casques (environ 1,2 kg), peints à la main et étudiés pour résister à différentes formes d'écrasement, de pression, d'impact et de chaleur. Avec des visières imperméables au feu et une ouverture réduite pour empêcher l'infiltration de débris. Antidérapants et façonnés sur mesure, leurs gants sont également en Nomex. Depuis 2018, ils sont même biométriques, avec des capteurs placés au niveau de la paume gauche, et permettent aux équipes médicales d'être informées en temps réel de la santé du pilote. Les chaussures en cuir matelassé, très fines, contiennent elles aussi leur pourcentage de Nomex.
Cet équipement protecteur a offert à Grosjean le temps nécessaire pour sortir de sa voiture en flammes. Sans être défiguré comme Niki Lauda, gravement brûlé au visage lors du GP d'Allemagne en 1976. Il faut dire que la sécurité globale des pilotes a été largement améliorée au fil des années. Rappelons que les pros du volant conduisaient avec une simple casquette en tissu et des lunettes dans les années 1950. Sans casque, ni ceinture de sécurité. Et que les accidents mortels étaient fréquents jusque dans les années 1970. Mais l'augmentation de la vitesse, les drames successifs et la disparition de certains pilotes emblématiques, de Gilles Villeneuve (1982) à Ayrton Senna (1994), ont entraîné une prise de conscience collective. Le décès de Jules Bianchi, dont la Marussia s'est encastrée dans une grue lors du GP du Japon 2014, a renforcé cette volonté de réduire au maximum les risques.
Le Hans et le halo, en attendant la suite
De nombreuses améliorations ont donc vu le jour, comme la safety car (1993), les attaches de roue (1999), les caméras dans les cockpits (2016) ou le système Hans (Head and Neck Support). Ce support de la tête et du cou, qui agit en complément du casque, se compose de fibres de carbone. Attaché à la ceinture de sécurité, il permet de protéger les vertèbres et retenir la tête du pilote lors d'un choc frontal. Afin d'éviter "le coup du lapin". Il est apparu après l'accident de Mikka Häkkinen lors des essais du GP d'Australie 1995. Le Finlandais avait été victime d'une fracture du crâne après avoir heurté un mur de pneus.
Depuis 2018, les monoplaces sont également équipées du fameux halo, qui a fait polémique lors de son intronisation. Il s'agit d'un arceau de sécurité en titane se trouvant au-dessus du cockpit (qui est ouvert). Son but est de protéger la tête du pilote contre d'éventuels débris volants ou en cas de retournement. Là encore, Grosjean a bénéficié de tous ces dispositifs renforcés pour sortir quasiment indemne de son crash spectaculaire. Il le reconnaît d'ailleurs ce dimanche soir, dans une vidéo sur son lit d'hôpital: "Je n'étais pas pour le halo il y a quelques années, mais sans cela, je ne pourrais pas vous parler aujourd'hui. Je pense que c'est la meilleure chose qui a été apportée à la Formule 1." En attendant de nouvelles innovations dans les années à venir. Avec peut-être des habitacles entièrement fermés, par exemple.