
RMC Running: Mekdes Woldu, l'étoile montante du demi-fond français
Mekdes Woldu est heureuse. Son sourire et sa joie de vivre contrastent avec une jeunesse compliquée. Invitée du podcast RMC Running autour de Benoît Boutron et Yohan Durand, la jeune athlète ne cache pas son plaisir actuel. "Oui, je suis contente car je suis passée par des chemins parfois très difficiles". Le terme est pour le moins adéquat. Née en 1992 en Érythrée, dans l'Afrique de l'Est, elle a commencé par jouer au football avant de découvrir la course à pied à 12 ans. Le déclic est surprenant. "Au début, je n'aimais pas courir, je voulais juste faire du football. Mais bon, un jour, le coach d'athlétisme de mon école m'a demandé de courir 800 mètres. Je ne savais même pas quoi faire. Pour moi, c'était facile même si j'avais des sandales en plastique."
La suite? Une avance démesurée sur ses camarades en à peine deux tours de piste. "C'est vrai que je m'entraînais entre 5h30 et 11h du matin au début. Ensuite, j'allais à l'école de 13h à 18h30. C'était un peu compliqué de gérer la course et l'école. Avec mon père professeur, c'était encore plus dur", se souvient celle qui vient de battre le record de France du 5km lors d'une course organisée par son sponsor à Malaga fin avril. En Érythrée, elle remporte avec l’équipe nationale trois fois le titre national de cross-country. Un pays qui n’est pas forcément réputé pour sa culture de la course à pied. Situé au Nord de l’Ethiopie et du Kenya, le pays "est plus connu pour les cyclistes", indique Mekdes. "Mais après la médaille de bronze de Zersenay Tadesse lors des Jeux Olympiques en 2004 sur 10.000 mètres, le running s’est développé. On vient de la même école et de la même ville. Tout s’est accéléré grâce à cette médaille". Pour le plus grand bonheur de Mekdes Woldu.
Un parcours du combattant
Championne de France du 10 kilomètres, du 10.000 mètres sur piste et du semi-marathon, Mekdes Woldu a également réalisé ce triplé... dans son pays d'origine en 2011! "C'est vrai que l'histoire s'est répétée, c'était assez drôle de refaire ça dix ans après en France!" Lors de son arrivée en 2010, elle débarque à Compiègne, dans l'Oise, où elle réussit à s'égarer dans la forêt avec cinq autres athlètes. Pourtant, "Mecky" ne se perd pas. Sa boussole de vie lui indique de rester en Europe. La décision est prise en 2012. "Il y a bien entendu une histoire politique derrière tout ça. Je suis allé rendre visite à mon frère en Suisse, mais je suis ensuite revenue en France car c'est la loi en Europe. J'ai demandé l'asile en France, puis je suis devenue une réfugiée politique". Ballotée de foyer en foyer, "une expérience très difficile", elle arrive au club de Franconville en 2013, à seulement 19 ans. Mekdes doit enchaîner les courses et les compétitions pour être autonome financièrement. "Je m'entraînais, j'apprenais le français, mais à côté de ça, je faisais beaucoup de compétitions pour pouvoir m'acheter à manger et pour pouvoir vivre."
"Je pleurais comme un bébé"
Dans chaque histoire, une rencontre fait toujours la différence. Pour Mekdes, c'est Gérard Rousseau, le président de sa section sportive. "Il m'a accompagné partout, tout le temps. Il ne m'a jamais lâché. Parfois, il se levait à 5h du matin pour moi et il venait faire les lignes avec moi. Je l'appelle Papa." La force de caractère de celle qui aime écouter Eminem durant ses séances de VMA va même encore plus loin dans la démarche de naturalisation. En stage au Kenya, elle profite d'un massage pour s'aérer l'esprit. Jusqu'à recevoir un courrier de son président de club. "Je ne savais pas ce que c'était. Je l'ai relu plusieurs fois et je n'y croyais toujours pas. Je venais de recevoir le papier m'informant que j'étais désormais une citoyenne française. Je pleurais comme un bébé. Et les personnes à côté de moi pensaient que je pleurais car le masseur me faisait mal", explique Mekdes dans un grand fou rire. "Aujourd’hui, mes parents sont très fiers de moi. Mon père a toujours eu confiance en moi. Il savait que je pouvais performer. Il voulait juste que je sois patiente. Par contre, ma mère n’arrêtait pas de me demander quand j’allais arrêter de courir. Mais aujourd’hui, elle est contente, elle m’a dit que j’avais eu raison de continuer". Une persévérance dont elle aura besoin avec un nouvel objectif en ligne de mire.
Le marathon en vue de Paris 2024
"La première fois que je la rencontre, je me dis quand même qu'il y a une pépite là. Dans le secteur intermédiaire, elle a des qualités quand même rarement vues. Entre 18km/h et 19 km/h, elle a une vraie force, de par sa formation, mais également de par son entraînement", analyse Thierry Choffin, son entraîneur. La fondeuse Française performe sur des courtes distances. Mais son manager voit plus loin. "On ne va pas se mentir. Sa distance de référence, c'est le semi-marathon. Mais pour préparer Paris 2024 sur marathon, il faut la faire courir plus vite sur 5000m et 10.000m pour bien appréhender le passage au marathon". "Mekdes a de vraies qualités pour la longue distance. Elle a le physique, l'endurance et le pied intelligent pour performer", rajoute Yohan Durand. Mekdes devrait faire ses premiers pas sur marathon en décembre 2022 ou février 2023, soit à Valence, soit à Séville. Avec pourquoi pas, une médaille olympique "à la maison" en 2024? "J'en rêve, comme chaque athlète !" Histoire de rattraper le temps perdu et de rendre encore plus fière sa famille qu’elle n’a pas vue depuis plus de dix ans.