
Lord Coe, de la lumière à l’ombre

Lord Sebastian Coe, le président de l'IAAF - AFP
Il a vécu plusieurs vies. Des tas, même. Mais jusqu’ici, tout ce qu’il touchait se transformait en or. Un sans-faute ou presque pour un personnage lumineux qui voit aujourd’hui sa part d’ombre le rattraper. La carrière sportive ? Elle en a fait un des plus grands athlètes de l’histoire. Deux titres olympiques sur 1500 mètres en 1980 et 1984, neuf records du monde en plein air (dont trois battus en… 41 jours en 1979). Au virage des années 70 et 80, le demi-fond portait un nom emblématique : Sebastian Coe. Les pointes raccrochées, le Britannique a su se réinventer. Toujours avec succès.
Député au parlement pendant cinq ans dans la décennie 90. A la tête du comité de candidature de la ville de Londres qui battra Paris pour l’attribution des Jeux Olympiques et Paralympiques 2012. Président du comité d’organisation des Jeux en question. Président du Comité olympique britannique. Vice-président (depuis 2007) de l’IAAF puis élu à la tête de l’instance mondiale de l’athlétisme en août dernier. Anobli du titre de « Baron » puis de celui de « Lord ». Parcours parfait, au point d’être inclus dans la liste des « 100 plus grands bâtisseurs du 21e siècle » du Sunday Times. Un sans-faute, on vous dit. Jusqu’aux trois derniers mois. Depuis, dans un parallèle qui fait sourire avec le club de foot de son cœur (Chelsea), rien ne va plus pour ce lointain descendant d’un esclavagiste et producteur sucrier jamaïquain.
Eugene, Nike et le conflit d’intérêts
Quelques semaines après son élection à la tête de l’IAAF, l’instance se retrouve au cœur du double scandale le plus important de son histoire. Dopage et corruption. Avec une Fédération bannie (Russie) et un ancien président de l’IAAF (Lamine Diack) au cœur de la tourmente. Sur ce dernier point, si la présomption d’innocence prévaut et que rien ne semble mettre en cause Coe, il lui sera tout de même difficile de ne pas avoir à s’expliquer sur sa connaissance du sujet en tant que vice-président de l’institution. Michel Platini peut témoigner : compliqué de sortir indemne d’une collaboration avec un souverain qui a trop flirté avec la ligne rouge. D’autant que la corruption pourrait bien rattraper l’honorable Lord. Le conflit d’intérêts, pour être exact.
Selon la BBC, qui s’est procuré plusieurs mails pour mener son enquête, le nouveau président de l’IAAF aurait incité son prédécesseur (Diack, donc) à confier l’organisation des Mondiaux 2021 à Eugene, dans l’Oregon, Etat historique de la marque Nike. Problème ? L’homme est… ambassadeur mondial de la marque à la virgule. Autre problème ? Battue par Doha pour l’édition 2019, la ville américaine a bien été élué pour lors d’une réunion du conseil de l’IAAF en avril dernier à Pékin. Mais à l’issue d’un vote surprise et non prévu – il devait se dérouler en 2016 – et sans avoir eu besoin de se porter candidate au préalable !
L’image du gendre idéal
Göteborg, qui préparait un dossier dans le cadre des célébrations des 400 ans de la ville, avait dû s’avouer vaincue sans même avoir vu sa candidature être examinée. « Je suis très perturbé par cette décision, avouait alors Bjorn Eriksson, président de la Fédération suédoise, dans les colonnes du New York Times. Cette histoire ne sent vraiment pas bon… » Diack témoignait lui aussi : « On a décidé de faire une exception et tout le monde était d’accord ». Reste à savoir pourquoi. La réponse pourrait bien écorner l’image du gendre idéal. Sans oublier ce rapport de la commission indépendante de l’AMA dont le deuxième volet pourrait préconiser l’exclusion de l’IAAF de toute compétition et donc des prochains JO. Sale temps sur le Lord Coe de la City.