Lavillenie : « Le meilleur passe par cette rupture »

Dans un entretien accordé à RMC Sport, Renaud Lavillenie, médaillé d'or à la perche aux JO, explique son choix de se séparer, pour des raisons « relationnelles », de Damien Inocencio, son entraîneur depuis quatre ans.

Renaud, pourquoi avoir décidé de changer d'entraîneur ?

J'ai senti le besoin de changement. Ce n'est pas une décision prise à la légère, c'est le fruit d'une longue réflexion, difficile à prendre après quatre grosses années, mais à l'aube d'une nouvelle olympiade c'est ce que je ressentais. C'est venu sur des petits détails, des ressentis personnels. J'avais déjà fait cela il y a quatre ans lorsque j'ai quitté Georges Martin. Je fonctionne à l'instinct, l'entraîneur n'appartient pas à l'athlète et inversement. La vie est faite de changement. J'avais besoin de cela pour me remotiver. Je n’ai rien à redire sur Damien d'un point de vue sportif, on a fait du très bon boulot. C'est plus de l'ordre relationnel. Je n'ai pas envie d'épiloguer là-dessus, c'est une vision d'ensemble, cela a mis du temps à mûrir.

Vous sentiez une routine s'installer ? Vous pensiez qu'une nouvelle saison serait celle de trop ?

Il y a forcément une routine qui s'installe. Ce sont aussi des relations humaines qui ont leur importance, je ne voulais pas attendre d'être en échec pour changer. Cela fût dur, mais c'est le mieux pour moi. La saison de trop ? Je pense que c'est la raison de mon choix. Cette décision m'est passée par la tête bien avant le titre olympique. C'est le moment le plus opportun pour moi vu qu'un cycle vient de se terminer et qu'un autre commence. Il n'y a pas eu de vraies fractures. Il y'a des choses qui plaisent et qui déplaisent des deux côtés. Parfois, j'avais la sensation d'être seul à l'entraînement. Je reconnais que je ne suis pas très facile à entraîner avec mon caractère. J'ai voulu arrêter avant qu'il y ait quelque chose de mauvais qui s'installe ou pas entre nous.

Pourquoi avoir choisi Philippe d'Encausse ?

Cela fait 4 ans qu'il me voit régulièrement à Clermont, qu'il me côtoie. Je sais qu'il a des compétences, des choses à m'apporter. Je l'ai contacté pour savoir s'il serait prêt à m'entraîner, on s'est rencontré. Philippe m'a coaché plusieurs fois et notamment la première fois que je fais 6m01 à Leiria (Portugal). Il a l'expérience du haut niveau en tant qu'athlète. Il a fait deux fois les Jeux, il a vu plusieurs records du monde de Bubka, c'est une autre génération d'athlète entraîneur. Ce qu'il peut m'apporter peut me correspondre. Le but est d'exploiter mon potentiel que je n’ai pu montrer. Il n'y aura pas de changement miracle mais c'était important de pouvoir changer de cadre et d'environnement pour être dans un nouveau challenge, j'avais besoin de renouveau dans ce milieu.

Damien Inocencio regrette votre séparation et affirme que vous ne lui avez pas dit merci ...

Je ne veux pas polémiquer, nos échanges ont été ce qu'ils ont été. J'ai su lui dire merci quand il fallait, j'ai su le mettre en valeur sur la piste, la vie continue. En ce qui concerne son avenir, j'ai appuyé, j'ai fait le maximum pour qu'il ne retourne pas comme simple agent d'accueil au Conseil Général du Puy-de Dôme, Quelque chose devrait lui être proposé, il ne devrait pas retrouver à son guichet qu'il a quitté il y a 4 ans. La Fédération sait qu'on a besoin d'entraîneur comme Damien. J'ai préféré annoncer ma décision avant que son contrat se renégocie, par honnêteté.

Qu'avez-vous à répondre à ceux qui vont dire que c'est une bien drôle de façon de remercier son entraîneur ?

Pourquoi je devrais rester avec Damien si je n'en ressens plus le besoin ? Je veux le meilleur pour moi et le meilleur passe par cette rupture. Je ne voulais pas surjouer parce qu'on a fait du bon travail ensemble. Je vais de l'avant, je me suis longuement remis en question pour voir quel était le meilleur pour moi.

Quels sont vos prochains objectifs ?

Un troisième titre de champion d'Europe en salle consécutif l'hiver prochain. Le titre de champion du monde en plein air qui me manque et après on verra (pour le record du monde, ndlr). Jusqu'à présent, le plus dur était de rester concentré sur une performance mais maintenant je peux m'impliquer plus dans la « top performance », sans oublier les titres bien sûr.

Vous êtes soulagé d’avoir pris cette décision ?

C'était une décision importante à prendre, il fallait que j'arrête de me poser des questions. L'objectif est de rester concentré sur ma carrière. J'ai su faire la part des choses. Une page se tourne, une nouvelle va s'écrire.