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François D’Haene ou l'ivresse maîtrisée d'un grand "fou"

Jp Vidot Grand Raid

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François D’Haene, vainqueur héroïque de la Diagonale des fous le week-end dernier à La Réunion, a réussi à détrôner la star du trail Kilian Jornet sur son terrain. Gérant d’une exploitation viticole et papa d’une fille de 2 mois, ce trailer gère tout sans se prendre la tête. Portrait.

La partie n'était pas gagnée d'avance. Bien au contraire. Car tout le monde était convaincu que vendredi dernier, au départ du Grand Raid, la victoire n’échapperait pas, une nouvelle fois, à l’Espagnol Kilian Jornet, double vainqueur de la Diagonale des fous (2010 et 2012). Mais pour François D’Haene, il y avait toujours un motif d'espoir. Depuis près de deux mois, le Lillois se préparait en secret, bien décidé à dompter l’ultra-trail le plus difficile au monde, long de 164 km avec un dénivelé positif de 9900 mètres. Et même si le maitre incontesté de la discipline était au départ, François D’Haene ne venait pas « pour assurer une deuxième place » selon ses propres mots. Certes, Kilian Jornet a été victime de douleurs au genou, mais l’exploit du Français n’est pas à sous-estimer pour autant. Bien au contraire, car c'est tout sauf un vainqueur par défaut !

« C’est sûr que j’aurais préféré que Kilian ne soit pas blessé, mais ce n’est pas grave » confie le vainqueur de la Diagonale des fous 2013. Sur les 30 premiers kilomètres, les deux hommes ont fait la course ensemble, mais c’est dans une descente que François D’Haene a pris le dessus sur son partenaire du Team Salomon Running. « Je pensais faire au moins 100 km avec Kilian, explique-t-il. Généralement, il revient dans la montée d’après, mais il n’est jamais revenu ». Au final, François D’Haene a continué les 130 km suivants dans la solitude, grignotant peu à peu des minutes sur ses poursuivants, et se servant des ravitaillements pour reprendre furtivement contact avec la civilisation.

Il prend la tête sans se prendre... la tête !

Sur ses 22h58’ de course, le héros français ne se sera arrêté que « 5 petites minutes, lors d’un ravitaillement » ! Mais quand François D’Haene a un objectif en tête, il ne lâche rien et se donne tous les moyens pour y arriver. Surtout quand une victoire est en jeu. Son ami Michel Lanne, avec qui il a remporté les 80 km du Mont-Blanc (1er ex-aequos) le 28 juin dernier, confirme : « Quand François cible quelques chose, il touche. » Le plus impressionnant, c’est que quelque jours avant la course, il a préféré faire du parapente et de la plongée, quand d’autres se concentraient en vue du départ. « C’est quelqu’un de très simple, qui ne se prend pas la tête, poursuit Lanne. Il est très cool dans sa façon d’aborder les échéances »

A 27 ans, François D’Haene est un aventurier moderne qui agit selon ses propres désirs. Il y a deux ans, il abandonne sa carrière de kiné, qu’il exerçait en parallèle à la course à pied, pour racheter avec sa femme un domaine viticole dans le Beaujolais. Fin juin, il est papa d’une petite fille pour qui il va mettre entre parenthèse sa préparation de mi-juillet à mi-août. Selon Jean-Michel Faure-Vincent, son entraineur depuis 6 ans, sa vie aux multiples facettes est un grand avantage : « Le fait qu’il n’ait pas que la course à pied fait sa force. Il arrive à mettre du recul par rapport à sa passion. Il garde cette envie de se faire plaisir pendant la course. C’est naturel chez lui. C’est ce qui fait qu’il arrive sur la ligne de départ assez décontracté, même s’il sait qu’il peut jouer la gagne ».

Une fin de préparation perturbée par les vendanges

Pourtant, sa préparation a été complétement chamboulée… par les vendanges ! Surtout qu’elles ont eu lieu fin septembre, bien plus tard que prévu. « Pendant deux week-ends, j’ai dû tout stopper pour m’occuper de ma récolte. » Mais ce n’est pas ça qui l’a découragé. Histoire de rattraper le temps perdu, il réenfile ses runnings pour faire des sorties de 6 heures en montagne, deux semaines avant la Diagonale. Un entraînement "commando" pas à la portée du premier venu... « Physiologiquement, c’est une bête, confie Jean-Michel Faure-Vincent. Il a des capacités hors-normes. Et il sait s’adapter. » Désormais, François va devoir s’adapter... au repos total ! Pour lequel il n’a pas trop l’habitude. Quelques jours de farniente en Réunion, en compagnie de Kilian Jornet notamment, avec qu’il a tissé de forts liens d’amitié. Puis il retournera auprès de sa famille, en métropole, pour reprendre sa vie de papa et d’exploitant viticole. Et de grand champion, bien sûr…

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Guillaume Depasse