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Dopage: vers un scandale mondial impliquant 5 Français?

Un départ de 100m. Cinq Français sont concernés par la liste de WDR.

Un départ de 100m. Cinq Français sont concernés par la liste de WDR. - Alexander Nemenov - AFP

Surfant sur les révélations de la chaîne allemande WDR, The Telegraph a livré des détails sur la liste des athlètes ayant présenté des valeurs sanguines anormales sans être inquiété avant 2009. Dans le lot, plusieurs champions olympiques. Et cinq Français. Dont les identités n’ont pas été révélées.

La déflagration va-t-elle virer au séisme ? Le documentaire diffusé cette semaine par WDR au sujet de valeurs sanguines suspectes dans l’athlétisme plonge les dirigeants de ce sport dans un bain à gros remous. Après les révélations de la chaîne allemande, The Telegraph en remet une couche ce jeudi. Le quotidien a eu accès aux sources de WRD et à la liste des athlètes impliqués. Et ce qu’il en ressort précise un peu plus l’ampleur du scandale. Au programme ? 225 athlètes provenant de 39 pays, dont 58 Russes, 25 Kenyans, 12 Espagnols et… 5 Français. Si aucune identité n’a été révélée, on retrouve dans le lot trois champions olympiques de Londres (2012), des dizaines de médaillés olympiques de différentes éditions des JO, près de cent vainqueurs de grands championnats et plusieurs actuels ou anciens détenteurs de records du monde. Sans oublier près de… trente athlètes déjà contrôlés positifs ou suspendus pour dopage dans le passé.

The Telegraph évoque même le cas d’un des « plus grands noms de l’athlétisme britannique », une « star majeure » dont les valeurs sanguines étaient inscrites sous l’appellation « suspicion rouge » dans différents documents. Plus grave, tous ces cas de valeurs sanguines suspicieuses n’auraient donné lieu à aucune enquête approfondie de la Fédération internationale (IAAF). Obtenue d’un lanceur d’alerte décrit comme un membre de longue date de la commission médicale et antidopage de l’IAAF, la liste n’a pas vu son authenticité remise en cause par l’instance planétaire de l’athlé. Sa commission d’éthique a même déjà annoncé qu’elle allait enquêter sur l’affaire. Pour le lanceur d’alerte, les valeurs suspicieuses observées suite à des contrôles sur ces athlètes auraient au moins dû entrainer des tests ciblés.

Des valeurs suspicieuses à… six reprises pour un même athlète !

« Malheureusement, dans pratiquement tous les cas, je n’ai jamais entendu parler de ça », s’alarme la source. Selon The Telegraph, plusieurs noms sur la liste auraient pourtant été à l’origine de multiples valeurs suspicieuses, et même à six reprises pour l’un d’entre eux. Des valeurs suspicieuses récoltées à partir de 2001, et surtout entre 2006 et 2008, mais avant l’introduction du passeport biologique en 2009, élément qui sert pour l’instant de base de défense aux dirigeants de l’IAAF : « On ne peut tirer aucune conclusion sur la base d’une seule valeur sanguine. L’intérêt du passeport biologique est de surveiller dans le temps les variations des valeurs d’un athlète. »

Si la véracité d’un cas de dopage ne peut être avérée par une simple valeur sanguine suspicieuse, et si ces documents ne devraient pas permettre de sanctions rétroactives sauf à tester de nouveau les échantillons gelés et conservés pendant 8 ans, la façon dont l’IAAF aurait fermé les yeux à l’époque pourrait bien mettre l’instance en porte-à-faux. Pour The Telegraph, le fait d’observer un quart d’athlètes russes dans cette liste pourrait pousser certains à évoquer un « régime de dopage façon Allemagne de l’est ». Le nombre de Kényans, 25 pour rappel, pourrait également être interprété comme « une confirmation des allégations de dopage dans ce pays ».

« 99% » d’athlètes russes dopés selon un champion local

Difficile, au-delà, de tirer des conclusions individuelles quand les valeurs sanguines de tout sportif peuvent varier selon le moment du contrôle et son état de santé. Suite aux révélations de WDR, Lord Sebastian Coe a tout de même envoyé un manifeste au président de l’IAAF pour réclamer une investigation complète sur ses accusations, au premier rang desquelles celle d’un athlète russe indiquant que « 99% » des sportifs de son pays se dopaient. De son côté, l’agence mondiale antidopage a déjà annoncé qu’elle comptait mener sa propre enquête au sujet de ces allégations.

Dans un long communiqué, l’IAAF a, elle, pris l’option de balayer les accusations : « Les données sanguines récoltées avant 2009 servaient à déclencher des tests urinaires pour détecter l’EPO. Les résultats anormaux ont provoqué un suivi de l’IAAF chaque fois que cela était possible sur le plan logistique. » Et l’instance de décrédibiliser le lanceur d’alerte de WDR : « Un membre de la commission médicale et antidopage n’aurait pas pu savoir si des tests avaient ensuite été effectués ou pas. Et les valeurs sanguines pré-passeport biologique n’avaient pas le même niveau de fiabilité. » Selon l’IAAF, ces valeurs suspicieuses pré-2009 auraient servi à identifier les pays à risques afin d’ajuster son programme de contrôle.

Alexandre Herbinet