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Baala-Mekhissi : les raisons de la colère

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Un coup de tête. Des poings qui fusent. L’arrivée du 1500 m, vendredi soir au Meeting Herculis de Monaco (Ligue de Diamant), a viré au pugilat entre deux athlètes français, Medhi Baala et Mahiedine Mekhissi. Pourquoi tant de haine ?

Mais qu’est-ce qu’il leur a pris ? La question s’impose après l’irréelle altercation musclée entre Mahiedine Mekhissi et Medhi Baala vendredi soir à Monaco. A la base, les faits semblent simples. Une pogne tendue par Baala après la course et refusée, volontairement ou non, par Mekhissi. « Il pensait que je ne lui avais pas serré la main », explique Mahiedine. Voilà pour la pointe de l’iceberg. L’explication de Baala porte le schmilblick plus loin : « Je vais le voir pour le réconforter après sa course. Il met son front contre le mien en me disant : ‘‘Si je ne te dis pas bonjour, c’est qu’il y a une raison’’. » Le nœud du problème réside dans cette « raison » très certainement à traquer au rayon « vieilles rancœurs ». Car une rivalité peut en cacher une autre.

Un athlète français : « Ils se détestent »

Mekhissi et Baala ne s’aiment pas. « Ils ne sont pas amis », glisse Rachid Esmouni, l’agent du premier. Une inimitié en forme de poupée russe. A Strasbourg, Medhi déroule sa carrière sous le joug de son entraîneur historique, Jean-Michel Dirringer. Un coach rejoint par Bob Tahri, ami d’enfance de Baala, il y a quelques années. Ce même Tahri qui n’est autre que le grand rival, sur les plans français et européen, de Mahiedine sur 3000m steeple. Et depuis l’explosion fulgurante de ce dernier, en 2008, le groupe Dirringer ne porte pas dans son cœur ce Mekhissi accusé d’arrogance et d’une éclosion trop soudaine pour ne pas porter à la suspicion. « Ils se détestent, ils n’arrêtent pas de s’allumer en privé », explique un athlète français sous couvert d’anonymat. « C’est quand même rare de voir des cons comme lui », lâchait même Baala juste après l'incident ce vendredi.

Petites phrases provocatrices, gestes déplacés, médaille d’argent olympique de Mahiedine à Pékin (sur 3000m steeple) où Baala finit quatrième (du 1500m), victoires et défaites des uns et des autres : en 2008 et 2009, les relations entre les clans Dirringer et Mekhissi se distendent au fil du temps. Une sorte de haine larvée qui ne demande qu’à exploser. Les différents semblent enfin aplanis en 2010. A Font-Romeu, en stage préparatoire aux championnats d’Europe, Mahiedine et Bob Tahri prennent un café ensemble. Mais certaines tensions perdurent : un membre du clan Mekhissi aurait été vu en train d’espionner les entraînements du rival. La finale du 3000 m steeple, à Barcelone, et la victoire de Mahiedine devant Bob, n’aident pas à calmer la rancœur de Dirringer, fou de rage de voir son athlète se faire enrhumer sur la piste. Depuis, rien n’avait filtré sur l’état des dissensions. Jusqu’à la consternante démonstration d’Ultimate Fighting sur la piste du stade Louis-II. Un événement qui pourrait briser tout espoir de relations normalisées entre les deux clans, quoi qu’ils en disent.

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Privés des « France »… et des Mondiaux ? |||

Ils ont tout tenté. Minimiser l’incident, d’abord, comme l’avait d’ailleurs fait le DTN Ghani Yalouz dès vendredi soir au stade Louis-II. Puis s’excuser. Mahiedine Mekhissi en a même rajouté une couche, samedi, avec un communiqué façon auto-flagellation : « Je regrette sincèrement d’avoir mal réagi à la provocation. (…) C’est une réaction incompréhensible et stupide. » Des efforts louables mais vains. Car la violence des images suffisait à comprendre que Mahiedine Mekhissi et Medhi Baala n’allaient pas passer entre les gouttes. Directeur du meeting Herculis de Monaco, Jean-Pierre Schoebel a tiré la première salve en privant les deux athlètes des primes financières qu’ils devaient toucher pour leur apparition en Principauté. Puis ce fut au tour de la Fédération française d’athlétisme d’annoncer la suspension provisoire de Mekhissi et Baala et la saisie, en urgence, de la commission disciplinaire afin de « prendre les mesures qui s’imposent ». Avec une précision : la commission se réunira « au plus tôt sous huit jours ». Ce qui nous mène au lendemain des championnats de France à Albi (du 28 au 30 juillet).

Conséquence ? Mahiedine et Medhi, qui ont chacun réalisé les minima qualificatifs pour les Mondiaux de Daegu (27 août-4 septembre) dans leur spécialité, ne pourront pas prendre part aux « France ». La suite des événements offre un panel de sanctions assez large. « On va les convoquer, écouter leurs explications et prendre une décision, a expliqué Christian Roggeman, président de la commission disciplinaire de la FFA, à RMC Sport. Ça peut aller du simple avertissement à une suspension de plusieurs mois voire plusieurs années,  même si on n’a jamais été au-delà de deux ans. Pour l’instant, on ne peut donc pas dire si ces deux athlètes seront ou non à Daegu. D’autant qu’à l’issue de cette décision, la commission d’appel peut être saisie par les deux athlètes ou par le président de la Fédération s’il juge la sanction non conforme. La Fédération internationale (IAAF, ndlr) ou les dirigeants de la Ligue de Diamant peuvent aussi nous envoyer une lettre pour demander une sanction. » Bref, Mahiedine et Medhi n’ont pas fini de se revoir... Mais la FFA peut-elle se priver aussi facilement d’une, voire deux chances de médailles ? C’est ce qui pourrait sauver les deux demi-fondeurs belligérants.