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Comment Lavillenie, sacré athlète 2014, a vécu sa folle année

Renaud Lavillenie, athlète de l'année 2014

Renaud Lavillenie, athlète de l'année 2014 - AFP

EXCLU RMC SPORT. Recordman du monde de saut à la perche (6m16 à Donetsk en février), Renaud Lavillenie a été désigné athlète de l’année 2014 ce vendredi au gala de la Fédération internationale. Le Français revient sur cette saison folle.

Renaud Lavillenie, vous avez été désigné athlète de l’année 2014 ce vendredi soir à Monaco. C’est le point final d’une année magnifique…

Oui. C’est la cerise sur le gâteau. C’est le gros bonus parce que mine de rien, c’est une très grosse récompense. Ça vient concrétiser une belle année 2014. C’est un très, très grand plaisir. C’est un beau trophée, très prisé.

Comment avez-vous abordé cette année 2014 ?

Au mois de décembre (2013), quand j’étais en stage à La Réunion, j’ai senti qu’il y avait des bons progrès qui étaient en train de se mettre en place. Je n’avais qu’une hâte, c’était de faire de la compétition, d’arriver au mois de janvier. Au fur et à mesure, ça s’est mis en place. Techniquement, c’était très propre. Il fallait juste trouver les bons réglages sur la bonne perche, ce qui m’a coûté deux petites compétitions. Une fois que c’était présent, il y a eu le premier record (de France) de 6m04 à Rouen. On était le 25 janvier. Normalement, en janvier, je suis loin d’être capable de battre mon record. L’objectif était d’être en forme dans trois, quatre semaines. Une semaine après, je remets ça avec les 6m08 (en Pologne). Avec de la marge, en plus. Ça commence à monter, on se dit que c’est peut-être la bonne année.

Derrière, il y a eu dix jours de préparation avant Donetsk. Ça a été les dix jours les plus merveilleux que j’ai pu vivre dans ma préparation. Tout passait, tout était bien. J’étais plus rapide. Les dix jours d’entraînement rêvés. Je suis arrivé en pleine confiance à Donetsk. Après, je ne vous fais pas un dessin. C’est le concours rêvé, le saut extraordinaire. Ça a bien bouleversé l’année parce que je n’étais pas du tout habitué à ça. Les sollicitations ont été décuplées d’une manière extraordinaire et des fois, un peu folle. Le plus dur pour moi a été de rester sur l’objectif d’être champion d’Europe et de gagner la Diamond League. J’en suis très, très fier. Il y a eu des moments où ça a été très dur. J’ai quand même réussi à garder le cap. Au final, je me retrouve avec l’une des plus belles saisons que j’ai pu faire. En termes de performances pures, mais aussi de régularité, de plaisir.

Vous souvenez-vous du moment où vous vous êtes dit : « Je peux battre le record du monde cette année » ?

S’il y a eu un moment précis, c’est le jour où je suis arrivé à Donetsk. Le jour de la compétition. Dans les semaines et les jours qui ont précédé, j’ai senti que le record était envisageable. Mais je ne le voyais pas tomber tout de suite. C’était un projet pour que ça arrive en 2015, voire en 2016. Le jour de Donetsk, dès l’échauffement, tout va bien. Et une fois que le concours est lancé, je vois qu’il y a quelque chose. Mais en faisant attention, aussi. La moindre petite erreur, le moindre petit paramètre qui n’est pas réglé, et on rentre chez soi. Ce jour-là, tous les feux étaient au vert. Ça m’a permis d’y arriver.

Que reste-t-il de ce saut à 6m16 ?

Tout ! (Rires) Sauf la salle, malheureusement (détruite lors des affrontements en Ukraine, ndlr). C’est quelque chose qui a été très marquant. Je me souviens quasiment de toute cette journée dans les moindres détails. C’est difficile à expliquer. Mais une fois que j’entame ma course d’élan, il y a un genre de trou noir. Je quitte le sol et je me retrouve en train de redescendre. Je vois que la barre est toujours en haut. On se dit que ce n’est pas 5m80, que c’est LE record. D’un coup, on entend l’émulation, l’ambiance qui prend une tournure complètement délirante. C’est juste hallucinant. Le partage avec Sergueï (Bubka), mon entraîneur (Philippe d’Encausse), mon frère (Valentin), c’est quelque chose qui ne peut pas s’oublier.

Vous attendiez-vous à ce que cela change à ce point votre vie ?

Je pensais un petit peu au record, mais sur l’aspect sportif. Tout ce qui est arrivé à côté, je ne m’y attendais pas. Au moins, je n’ai pas été surpris ou déçu. Ça a été une découverte, qu’il a fallu apprendre à gérer, plus ou moins bien. Ça a été complètement dingue. Moi, ce qui m’a marqué, c’est mon arrivée à Paris, à l’aéroport. Dieu merci, il y avait la police pour encadrer parce que sinon, ça aurait été ingérable. C’était juste incroyable. Les jours, les semaines et les mois qui ont suivi ont été délirants.

Votre soif de victoires est restée intacte…

Ma motivation première, c’est de sauter. J’aime ça, je prends du plaisir à sauter. Je dirais que ça a alimenté mon envie de gagner des compétitions, des médailles, de battre des records. Le record m’a vraiment aidé parce que je me suis rendu compte que je pouvais faire des choses encore mieux. Je ne serai jamais lassé de m’entraîner pour gagner. Quand on a la chance de s’entraîner pour être tout en haut, il ne faut pas la lâcher. Sinon, tout le monde veut vous passer devant.

Vous fixez-vous une limite ?

Il n’y a pas de barre limite. Ça, c’est sûr. Chaque compétition va être différente. Mais l’objectif est forcément de repousser, de remettre la barre le plus haut possible. 6m20, ça peut être pas mal. Si c’est plus, tant mieux. Si c’est un tout petit peu moins, c’est déjà pas mal ! (Rires) Je verrai en fonction des entraînements et des compétitions.

Mais vous vous dîtes que 6m20, c’est possible…

En voyant le saut à 6m16, je me dis qu’évidemment, je suis capable de sauter un peu plus haut. Après, il faut être capable de le refaire. Je ne suis pas du genre à me dire que c’est trop haut. Sinon, je me serais arrêté à 6m01. La porte est ouverte. Le but, c’est de ne pas la fermer.

Rêvez-vous maintenant que les Jeux Olympiques 2024 aient lieu à Paris ?

Je me suis déjà un petit peu engagé. Ça a été plaisir de voir que le président (de la République) soutenait ce projet. On sait que ça ne dépend pas que de nous, mais de plein de facteurs très importants. Mais des JO en France, ça doit juste être extraordinaire. Rien que pour ça, je ferai en sorte de sauter encore. C’est dans longtemps, mais ça va aller très vite. C’est un beau projet. Il faut l’honorer. 

la rédaction avec Louis Amar à Monaco