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Vazel : « Des performances selon les arrivages de produits… »

Steve Mullings

Steve Mullings - -

Entraîneur de Christine Arron, Pierre-Jean Vazel porte un regard acéré sur les contrôles positifs ayant touché, ces derniers jours, les sprinteurs Steve Mullings et Mike Rodgers, adversaires de Christophe Lemaitre sur 100 m. Entretien exclusif.

Ces deux contrôles positifs à quelques jours des Mondiaux vous étonnent-ils ?

Ça fait longtemps que c’est comme ça avant les Championnats du monde. Il y a toujours des cas positifs qui apparaissent dans les dernières semaines, donc il n’y a pas vraiment de nouveauté de ce point de vue-là.

Peut-on tout de même y voir le signe d’une évolution positive avec un assainissement du sprint ?

Ce sont des phénomènes qui arrivent par vagues. Il y a des pics de performance selon les années et certainement selon les arrivages de produits. Tous n’ont pas les mêmes effets physiologiques et c’est pour cela que toutes les épreuves ne sont pas affectées de la même façon. Sur 100 m, il y avait une première vague qui s’est arrêtée avec l’affaire BALCO en 2006 avant une petite stagnation des performances qui ont repris leur marche en avant depuis 2008. Mais les contrôleurs ne trouvent que des stimulants ou des agents masquants. Ils n’ont pas encore trouvé les vrais produits. 

Franchir la barrière des 10 secondes va-t-il devenir moins banal ?

Courir en moins de 10 secondes a toujours été un exploit. Cela ne fait pas si longtemps que les athlètes l’ont fait. Et je ne pense pas que les athlètes ont progressé génétiquement en trois décennies. Mais les méthodes d’entraînement progressent et s’échangent entre les entraîneurs. Et puis, il y a des produits qui sont plus ou moins efficaces selon les décennies.

Une progression fulgurante peut-elle être source de suspicion ?

Non. La courbe de progression n’est pas dépendante des produits qu’ils prennent. Elle peut être imputée à beaucoup de facteurs, l’entraînement, l’environnement familial et psychologique… On ne peut pas se baser sur la courbe de progression fulgurante d’un athlète pour se dire : « Ah, tiens, là, c’est suspect. » Après, il y a une culture du dopage dans certains pays qui date des années 60 et qui ne s’est jamais vraiment dissipée. Les athlètes de cette époque, qui se dopaient impunément, sont devenus entraîneurs et ont gardé cette approche du sport. Les athlètes d’aujourd’hui héritent de ça et continuent à se doper en pensant que c’est un choix personnel et que ça ne lèse personne car tout le monde se dope. C’est le résumé du schéma de réflexion de ces gens-là. C’est plus une tradition anglo-saxonne, qui se retrouve actuellement aux Etats-Unis et aux Caraïbes.

Le titre de l'encadré ici

Le cent contaminé|||

Le Jamaïquain Steve Mullings, 9’’80 cette saison, positif au furosémide (diurétique et produit masquant). L’Américain Mike Rodgers, 9’’85 en juin, positif à un stimulant. En attente des contre-expertises, qui pourraient innocenter les deux athlètes ou confirmer leur culpabilité, ce double cas de dopage en quatre jours plonge le monde du 100 m au cœur de la polémique. Avec une question. Peut-on s’attendre à d’autres affaires à l’approche des Mondiaux de Daegu (27 août-4 septembre), où tous les athlètes subiront un contrôle sanguin dans la cadre de la mise en place du passeport biologique de la Fédération internationale (IAAF) ?

« Si les contrôles étaient vraiment efficaces, il y aurait certainement d’autres athlètes positifs, juge Jacques Piasenta, l’un des plus grand entraîneurs de sprint en France. Les ex-entraîneurs de la RDA ou de l’URSS sont embauchés un peu partout, ça prouve qu’ils ont des savoirs qui intéressent le monde. Tant que les gens ne seront pas radiés à vie, ils tenteront leur chance. Deux ans de suspension, c’est comme une blessure grave, ce n’est pas cher payé pour flouer les gens de palmarès. Si le passeport biologique est bien fait (en vigueur à partir des Mondiaux de Daegu, Ndlr), ce sera une avancée. Cela leur permettra de voir les variations de profil par rapport à un état zéro pris en grande compétition, c’est-à-dire à une période où ils auront certainement arrêté de prendre leurs saloperies depuis deux-trois mois. Mais pourquoi ont-ils attendu autant de temps avant de l’instaurer ? » Le cyclisme doit se poser la même question…