
Lavillenie: "Même quand je me rate, je reste sur le podium"
Renaud Lavillenie, quel est votre sentiment après cette finale ?
Forcément, la déception de ne pas avoir le titre et de rater une barre que d’habitude, enfin depuis quelques mois, j’arrive à maîtriser. J’ai eu du mal à comprendre pourquoi je n’arrivais pas à déplacer cette perche alors que j’ai l’habitude de la déplacer régulièrement. D’autant plus quand j’ai vu mon entrée dans le concours plutôt bonne avec un très beau saut à 5,80m. Mais c’est la perche.
Vous sembliez pourtant avoir les 6m dans les jambes...
Je vais peut-être vous apprendre quelque chose mais le saut à la perche, c’est en trois dimensions : il ne suffit pas d’aller le plus haut possible mais il faut aussi aller derrière la barre. Ce n’est pas celui qui met le bassin à 6,50m qui gagne, c’est celui qui ne fait pas tomber la barre. A ce jeu-là, je n’ai pas gagné. Ce sont des choses qui arrivent et quand ça ne veut pas...
Est-ce dû à la pression, au fait de ne jamais avoir gagné de championnat du monde ?
Ah non ! Il faut arrêter avec ça, c’est vraiment des conneries ! Autant il a pu y avoir des fois où ça a pu me porter préjudice, et encore. Mais cette année, j’étais vraiment prêt. Et si j’avais vraiment eu la pression, je n’aurais pas commencé à 5,80m et je n’aurais pas fait un saut comme ça. C’est le saut à la perche : si c’était aussi facile, ce ne serait pas aussi intéressant.
Cette médaille de bronze vous satisfait-elle quand même ?
C’est une maigre satisfaction. Ma seule satisfaction, c’est de me dire que j’ai gagné une médaille en un saut. Après, ça va être ma troisième médaille de bronze gagnée dans des championnats du monde à la maison, j’aurais bien aimé avoir autre chose ! Mais au moins, ça me permet de montrer que, même si je me rate un peu, je reste quand même sur le podium, là où d’autres passent complètement au travers.
« Un tour d’honneur ? Ça aurait été déplacé »
Vous n’avez pas fait de tour d’honneur...
Ça aurait été déplacé. Faire un tour d’honneur pour faire un tour d’honneur... Le podium ? Je verrai. Je ne vais pas dire que je serai super content d’être sur la troisième marche. Je serai quand même content d’être sur un podium : depuis 2009 je n’ai pas quitté le podium sur un championnat, même si ça n’a pas toujours été à la place que je voulais. Au moins, je réponds toujours présent.

Considérez-vous cela comme un échec ?
Je ne peux pas dire que ce soit une réussite ! Après, ça aurait été une médaille de bronze avec 5,90m, ça aurait été un peu différent. Mais là, à 5,80m, je ne suis pas à la hauteur que j’espérais, ni à la place que j’espérais. Evidemment, c’est un petit échec.
Objectif Rio désormais ?
Même pas, il y a d’autres compétitions avant ! L’objectif, c’est de me préparer pour finir ma saison correctement. Après on verra. Rio arrive dans un an mais il y a beaucoup d’autres compétitions avant ça et des choses plus importantes.
Aurez-vous besoin d’un peu de temps pour encaisser ?
Sûrement. Je ne sais pas. De mémoire, sur les autres championnats, j’étais beaucoup plus déçu à chaud, là je le prends peut-être avec plus de recul. Je verrai. La saison se termine pour moi dans trois semaines, il y a encore des choses à faire. Ce n’est pas la fin du monde. Il faudra que j’attende encore deux ans si je veux être champion du monde à l’extérieur. Maintenant le choix est fait : si je peux être double champion olympique, ça récompensera toutes les tristesses que j’ai pu avoir sur le championnat.
Avez-vous l’impression de faire une discipline ingrate ?
Ah ça, en terme de discipline ingrate, avec la perche on est vraiment pas mal (sourire). C’est ce qui rend les compétitions encore plus intéressantes et les performances impressionnantes. Je sais auparavant à quoi m’attendre.
Un mot sur Barber, champion du monde à 21 ans...
Il est fort, aujourd’hui il a fait le concours qu’il fallait. Je savais qu’il fallait faire ce genre de concours pour espérer gagner. C’est bien, après on verra : c’est sa première année au haut niveau. Maintenant la route est longue.