
Ewanjé-Epée: "Trois coups pour rien ?"

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« C’était à craindre et les probabilités n’ont rien changé… Il n’y a pas eu de miracle en finale du 110 m haies où la France était pourtant triplement représentée. Pascal Martinot-Lagarde, quatrième performer de la saison et seul des trois garçons à être déjà descendu sous les 13 secondes (12’’95 en 2013), était le mieux armé pour s’inviter au barbecue. Mais il avait hérité du couloir piège par excellence, le numéro 1, celui qui oblige son locataire à courir en aveugle, totalement tourné vers l’objectif que l’on s’est fixé sans tenté de lutter à distance avec le cœur de course.
Garfield Darrien, le revenant champion de France 2015, fauché dans sa progression par deux saisons « virales » (la mononucléose et le chikungunya se sont invités dans sa carrière) était à la droite de PML, avec l’objectif de réussir la course parfaite pour se rapprocher de l’élite. Et Dimitri Bascou, le meilleur des trois mousquetaires sur la compétition et le seul à avoir battu son record personnel, était calé entre le recordman du monde et champion olympique sortant américain Aries Merritt et l’étudiant américain et révélation jamaïcaine de l’année, Omar Mc Leod, passé de 13’’44 à 12’’97…
Des statistiques rassurantes
Alors bien sûr, toute la France des médias s’était penché sur la table de calcul, sortant des chiffres rassurants : 37 ,5% de chances de médailles ; une probabilité de podium de 90% sur la base des résultats de tous les championnats du monde à trois coureurs du même pays dans la finale… On essayait comme on pouvait de pousser le sort dans la bonne direction !
Mais dans une finale mondiale, ce ne sont pas les probabilités qui franchissent la ligne d’arrivée mais la forme du moment, la détermination du moment et encore et toujours, le relâchement du moment qui font la perf! A ce « prono » là, les mieux armés étaient Aries Merritt qui a montré qu’il revenait peu à peu en très grande forme, Sergey Shubenkov, le prodige russe double champion d’Europe et médaillé mondial à Moscou, Omar Mc Leod, le minot deuxième performer mondial de l’année et le « vétéran » David Oliver, troisième mondial et le plus expérimenté de la finale.
J’aurais tellement aimé me tromper quand j’ai dit hier dans le Super Moscato Show craindre une 4ème, 5ème (ou 6ème) et 8ème place pour les Français mais la course n’a pas connu de surprises comme celles qui explosent parfois les courses d’obstacles au fil des « strike » causés par des coureurs en surrégime.
Martinot-Lagarde dans le mauvais couloir
Le seul à être totalement passé au travers de sa finale a été l’armoire à glace David Oliver, mis à la faute lourdement dès la première barrière. Les autres n’ont rien lâché d’un bout à l’autre de la bagarre. PML (4ème) s’est extirpé proprement mais trop loin de la lutte pour s’y maintenir jusqu’au bout : il a payé cash un couloir qui n’autorise aucune faute technique, tandis que Garfield, un peu crispé, ne trouvait pas la mesure de Merritt à ses côtés. Dimitri s’est lui parfaitement adapté aux formules 1 qui l’entouraient pour finir cinquième à un centième de son record des demi-finales. Il a fait un Mondial de toute beauté et sa technique fine devrait l’emmener plus loin bientôt.
Le podium inédit a consacré un Russe pour la première fois en quatorze éditions mais il y a fort à parier que Shubenkov ne va pas quitter le devant de la scène de sitôt avec sa technique incisive et propre.