
Ewanjé-Epée: ‘‘Lavillenie a son pain noir à manger’’

Maryse Ewanjé-Epée - AFP
« Il débordait de confiance, Renaud Lavillenie, avant cette finale. Lui et son clan ont préparé leur stratégie en parfaits conquérants, imaginant tous les scénarii et les réponses aux éventuels problèmes. Il y a deux ans, aux championnats du monde de Moscou, Renaud avait joué un poker serré avec ses rivaux allemands Björn Otto et Raphael Holzdeppe. Il n’avait pu se défaire de la concurrence au terme d’un concours calqué sur celui d’Holzdeppe et commencé prudemment à 5m65.
Ce lundi soir, c’est un tout autre Renaud qui se présentait face au seul défi qu’il n’est pas encore parvenu à maitriser : devenir champion du monde en plein air pour la première fois en quatre tentative (3e en 2009 et 2011, 2e en 2013). Conquérant, intensément concentré, presque recueilli, c’est en patron de la discipline qu’il a entamé sa conquête à 5m80 – une hauteur de début de concours culottée, même pour lui. L’intention semblait claire : Renaud allait se battre contre Renaud et il n’avait pas l’intention de s’enfermer dans une lutte d’hommes dangereuse. »
« Renaud est humain »
« La bagarre devait être pour la concurrence et dans l’appel d’air de Renaud, le pote Kévin Menaldo s’arrachait pour décrocher sa première place de finaliste mondial (6ème). Avec sa bouille de jeune premier et ses sauts engagés, Kévin s’est d’ailleurs assuré le soutien du public, désormais tout acquis à la cause des deux Français volants. Mais la belle machine s’est enrayé dès la hauteur suivante que Renaud n’est pas parvenu à dompter malgré des envols supérieurs mais qui retombaient sur l’objectif ! L’impression fugace d’un doute après un premier saut que Renaud avait sans doute déjà franchi mille fois en visualisation depuis la veille et lorsque le jeune Canadien Shawnacy Barber (21 ans) s’est envolé impeccablement, sans même un geste de célébration à la retombée, j’avoue que du haut de mes tribunes, j’ai douté aussi avant de me dire que Renaud savait se sortir des pires situations.
Que s’est-il passé dans sa tête à cet instant ou aux suivants, lorsqu’il s’est retrouvé comme à Londres en chasse-patate derrière le(s) leader(s) ? Je ne saurais dire… La perche est une discipline technique, physique et des plus tactiques, et Renaud a déjà expérimenté maintes d’entre elles dans ses conquêtes mondiales. Il reste un gars exceptionnel qui a son pain noir à manger. Ce satané titre mondial qui lui échappe pour la quatrième fois rappelle que « surhomme », « dieux vivant », tous ces termes dont on ponctue, moi la première, nos comptes rendus, qualifient des hommes tout simplement. Renaud est humain : il a failli aujourd’hui et le goût de la défaite qu’il exècre devrait le propulser beaucoup plus haut dans les semaines et mois qui viennent. Direction Rio. Pékin, c’est déjà hier, Renaud… »