
Ewanjé-Epée : "La finale du 100m était un vrai « drama » chinois !"

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« Je n’avais jamais vu ça : neufs finalistes sur le 100m, tous qualifiés en moins de dix secondes et des demi-finales qui avaient brouillé tous les augures.
Une paire d’heures plus tôt, j’avais vu Bolt hésitant, mal campé sur ses appuis, qui peinait à recoller à la masse des prétendants au ticket gagnant dans la première demi-finale. Un Gatlin impérial qui signait son cinquième chrono de l’été sous les 9.80… Et un Jimmy Vicaut contraint d’attendre la décision du jury malgré un beau 9.99 qui le plaçait ex-aequo avec le cadet de la compétition, l’Américain prodige Trayvon Bromell, vingt ans, et avec Bingtian Su, premier Chinois sous les dix secondes, qui égalait à l’occasion son record national.
Une fois le public chaviré par l’annonce du speaker pour confirmer que la finale accueillerait bien neuf stars, l’attente pouvait commencer, avec une ferveur perceptible au fil des épreuves.
L’orage attendu s’était élégamment détourné du nid et les caméras indiscrètes montraient les rois du sprint assis côte à côte en chambre d’appel, regard fixe, sans un sourire. Bolt à la droite de Gay, Gay à quelques centimètres de Gatlin. Pas un mot, pas un geste… Je n’avais jamais vu la Foudre dans un tel état de concentration, voire de tension !
Durant la très longue présentation du "drama" au public chinois, les coureurs semblaient se tendre de plus en plus, tournant comme des lions en cage sur la ligne de départ. Il a fallu la prestation virtuose du pianiste star Lang Lang, lancé dans un défi musical de 9 secondes 58 comme un certain record du monde, pour détendre un peu le recordman en question, qui pouvait commencer ses mimiques d’avant-course.
Et puis, roulement de tambour et coup de feu libérateur qui lâchait De Grasse et Gay, les premiers sur le « rôti ». Dès les premiers mètres, il était évident qu’il y aurait deux courses : la course des prétendants au bronze, qui prenaient tous les risques, chargeant à la limite du faux départ, et la course de Bolt contre Gatlin. Le long Jamaïcain a calqué son effort sur son adversaire, du temps de réaction aux premiers appuis rageux jusqu’à la mi-course. Puis imperceptiblement, la longue foulée de Bolt a grignoté centimètre par centimètre la distance qui le séparait de Gatlin, jusqu’à le déposer pour un petit centième sur la ligne d’arrivée.
Il n’y a pas eu de regard vers le vaincu non plus à l’arrivée. Usain est resté Bolt et plus que jamais un demi-dieu du sprint.
Seule déception à un scénario presque parfait : la déroute de Jimmy Vicaut, exilé au couloir 1 et jamais dans le rythme de la cavalcade finale. »