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Bolt l’attraction universelle

Avec Usain Bolt sur la piste c'était guichets fermés dans le stade.

Avec Usain Bolt sur la piste c'était guichets fermés dans le stade. - -

Usain Bolt a réalisé de grands championnats du monde. Il est la seule star de l’athlétisme au risque de frôler l’indigestion.

Quand il se retourne Usain Bolt ne voit personne ou du moins pas grand monde tant la distance qui le sépare des ses adversaires est grande. Quand, nous, simples mortels, nous regardons derrière la Foudre Bolt nous ne voyons personne. Est-ce un mirage ou alors le terrible constat d’un athlétisme en mal de vedettes ? Lewis, Perec, Bubka, Gebreselassie ont quitté les pistes. A part Bolt, il n’y a pas un seul athlète mondialement connu. « Si on n'a pas de superstar, c'est difficile de vendre notre sport. Il y a eu les Américains Jesse Owens dans les années 1930 et Carl Lewis dans les années 1980, affirme Lamine Diack, le président de l’IAAF. Entre les deux, on a attendu cinquante ans ! Et maintenant, nous avons Bolt. Les gens vont être derrière lui. » Quand on interroge les anciennes gloires du tartan toutes sont extatiques devant le Jamaïcain et ses performances. « Bolt est sur Mars, les autres sont sur Terre », nous déclarait l'ancien Pitbull du 100 mètres, sa Majesté Maurice Greene, champion olympique en 2000, et détenteur du record du monde pendant six ans (9'79). Les autres ? Rien à faire.

Et du côté du public c’est à peu près pareil. Les fois où l’élève de Glenn Mills s’est présenté dans les startings blocks, les tribunes étaient remplies. 55 000 personnes s’étaient massées dans l’Olympiastadion pour apercevoir un instant d’éternité perler des semelles oranges de Bolt. Et quand on sait que les places coûtent en moyenne 100 euros par jour, la performance est belle. Les autres jours, on comptait les sièges vides en fait dans cette magnifique enceinte. Les quelques chouchous du public allemand telle la lanceuse de javelot Steffi Nerius ou la sauteuse en hauteur Ariane Friedrich, ont heureusement amené un peu plus de monde au stade. La même chose s’était produite au meeting Areva au Stade France en juillet. Le public était venu pour voir le Jamaïcain et ses facéties malgré la pluie. Dans la capitale allemande, il en a aussi fait des tonnes pour le plus grand plaisir des fans et des télés. Bolt en a profité pour contaminer quelques uns de ses congénères comme l’ex coincé Asafa Powell. Les autres font du Bolt pour plaire. Et dans cette histoire les Américains, habituels fanfarons, sont incroyablement discrets. Dominés sur la piste, ils n’arrivent même plus à occuper l’espace médiatique par leur attitude. Soumis dira même l’entraîneur Stéphane Caristan. Parce qu’ils ne le veulent pas comme Tyson Gay qui refuse de se soumettre au cinéma hollyboltien.

L’athlé est maintenant entré dans une sorte de Bolt dépendance à tel point que même lorsqu’il ne court pas, on sort le sprinter de sa chambre d’hôtel pour le pousser sur le stade. Comme un phénomène de foire. Au risque de l’user. Ainsi, vendredi, au moment où la pluie a commencé à s’abattre sur le stade, Usain Bolt a fait un tour de piste tout en signant des autographes à ses jeunes supporters. Plus important et peut-être plus symptomatique, lors de la cérémonie des récompenses du 200 mètres le speaker a poussé l’Olympiastadion à entamer un happy birthday pour le champion. Une fois les Mondiaux terminés, Bolt a reçu de la mairie de la capitale allemande un gros morceau du Mur de Berlin en guise de récompense pour ses trois titres mondiaux. 4,3 m2 et 2,7 tonnes, livrés en Jamaïque par bateau dans les trois semaines... Qui d’autre aurait eu droit à cet honneur ? Personne certainement.

Heureusement Bolt n’a que 23 ans et il a encore de longues années à briller sur le tartan. On s’imagine la bataille terrible, à coups de dollars (200 000 $, c'est le tarif pratiqué par le Jamaïcain), que vont se livrer les organisateurs de meetings pour l’attirer dans leurs filets et s’assurer d’être à guichets fermés sur le seul nom du Jamaïcain. Très bon point pour son compte en banque puisque le tarif pour l’avoir dans une réunion va grimper suite à ses Mondiaux. Si lui n’a pas de souci à se faire, l’athlétisme oui, qui devrait perdre l’un de ses attraits, la diversité, pour ne plus se concentrer que sur le 100 mètres et 200 mètres, chasses gardées d’Usain Bolt. A moins que les beaux duels qui sont le nectar de ce sport ne reprennent le dessus.

La rédaction - Morgan Maury