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Descoux veut recadrer les athlètes

Richard Descoux avait eu à gérer le départ précipité de la championne française de Sydney, alors qu'il était DTN de 1997 à 2001.

Richard Descoux avait eu à gérer le départ précipité de la championne française de Sydney, alors qu'il était DTN de 1997 à 2001. - -

L’adversaire de Bernard Amsalem à la présidence de la fédération française d’athlétisme parle sans détours de son programme, de la crise de l’athlé, du dopage, et de Mékhissi-Benabbad.

Richard Descoux, comment jugez-vous le climat qui entoure ces élections fédérales ?
Je me suis positionné comme étant quelqu'un susceptible d'apporter une alternative. Sans aller jusqu'à ce qui se passe à la fédération de tennis, il y a beaucoup de remue ménage. Il ya beaucoup de choses qui doivent bouger. Il y a des hommes qui doivent venir et d'autres qui doivent laisser la place.

Comment avez-vous réagit aux propos du président de la FFA qui vous rend responsable d'une « campagne de dénigrement orchestrée » ?
Je n'ai pas réagit exprès parce que je trouve ça complètement déplacé. M. Amsalem ne me connaît pas même si j'étais au comité directeur. Ce qui me déçoit, c'est que pour quelqu'un qui se dit démocrate, il a peut-être des leçons à recevoir en démocratie parce qu'il faut accepter l'opposition. Simplement, je trouve déplorable que l'on tombe à bras raccourci sur les cadres techniques, en disant que tout est de leur faute alors qu'on était aux affaires. C'est un peu facile.

Avant les Jeux de Pékin, des athlètes ont fait le procès des médecins fédéraux. Qu'en pensez-vous ?
Ces critiques, je les ai déjà entendus en 2000, ce qui me fait dire que les athlètes doivent être des adultes. 'Je gagne c'est moi, je perds c'est les autres'... Je me souviens de réflexions de Christine (Arron), de Eunice (Barber) disant qu'elles n'avaient pas été entouré par le médical. Ce qui m'inquiète plus, c'est le fossé qui se crée entre les élus et le terrain. Quand on à Paris on se met au service des techniciens. Or là, on a un athlétisme de haut niveau qui a du mal à avancer, avec des clubs faibles, et d'un autre côté, des gens à Paris qui inventent un athlétisme santé, loisirs. On a oublié que le cœur de notre système c'est la compétition.

Quelles sont les priorités de votre projet ?
Il faut aider les clubs à développer la carrière des athlètes. L'urgence absolue, c'est les Jeux de 2012, mais il y a 2016 et 2020, et là se sont des minimes et des cadets. Là on parle de politique de détection de manière à ce que ces gens-là n'aient plus de soucis à l'entraînement. Les cadres techniques doivent être remis sur le terrain et non plus derrière les ordinateurs pour faire des statistiques.

Autre chose ?
Il faut réactiver la filière Antilles et Outre-mer parce qu'à l'heure actuelle il n'y a aucun suivi de ces athlètes. L'engouement qu'il y avait de la part de ces athlètes s'est éteint. Or d'où viennent les Marie-Jo Perec, Christine Arron, Ronald Pognon ?

Le modèle de l'INSEP est-il en crise ?
L'INSEP est en pleine mutation. On ne peut plus parler d'un super-pôle où l'on y vient l'hiver pour y faire de la salle. Il faut utiliser l'INSEP de temps en temps notamment pour le suivi médical. L'INSEP n'a plus vocation à être un super-pensionnat.

Doit-on demander plus de compte aux athlètes pour lutter contre les risques d'éclatement qui menacent en permanence la discipline ?
Il ne faut pas lâcher les athlètes dans la nature. Sinon, on va répéter ce qu'on a vécu il y a 8 ans à Sydney. Je croyais que ces gens-là étaient des adultes. Après les Championnats de France à Nice en 2000, ils avaient 7 semaines avant les JO, et je pensais que tout allait bien se passer. Mea culpa, j'ai été un débutant sur cette question. Certains sont arrivés à Sydney complètement cuits. La Fédération doit rebâtir des programmes avec des passages obligés. Si on n'y va pas, il doit y avoir sanction. Là, je suis d'accord avec Amsalem.

Faut-il revoir le mode de sélection actuel en faveur par exemple des Trials à l'américaine qui demande à l'athlète d'être le meilleur le Jour J ?
Il faut redonner de la valeur aux titres, c'est-à-dire à celui qui sait se battre le Jour J. Un champion de France qui fait les minimas IAAF doit être systématiquement qualifié. Les sélections doivent aussi être basées sur une régularité des résultats.

Faut-il durcir les minimas comme le propose Bernard Amsalem ?
Bien sûr que non. On ne peut tout leur demander. Il faut les mettre dans des conditions de championnat mais pas de record. Il faut être régulier. Je demanderai donc aux athlètes d'être réguliers et présent aux « France » avec des minimas faibles.

Comprenez-vous le blues des médecins fédéraux qui disent être pris en tenaille entre la course à la performance et la santé des athlètes ?
C'est très difficile à gérer d'un point de vue déontologique. J'aurai tendance à laisser à l'athlète la responsabilité de choisir son staff médical de la même manière qu'il choisit son entraineur. A la fédération d'être vigilante à travers le suivi longitudinal. Si on empile les médecins, l'athlète et l'entraineur seront perdus.

Le cas de Julie Coulaud, convaincue de dopage, alors qu'elle était entrainée à distance par Patrice Binelli, responsable fédéral, ne montre-t-elle pas les limites d'un entrainement à la carte ?
Un entraineur national n'est pas un curé qui vient sauver une âme égarée. On ne peut pas envoyer des plans d'entrainement à distance. Il faut vivre avec l'entraineur, c'est un tandem. A un moment donné Binelli ne maitrisait plus rien. Il aurait fallu supprimer l'éloignement, soit que Julie rejoigne l'entraineur fédéral soit on lui trouvait capable de la gérer sur place.

Que faire pour endiguer le dopage qui ravage le demi-fond ?
Le demi-fond français est très mal. Si on se réfère aux résultats des jeunes, il n'y a pas de relève. On des gens qui arrivent de l'extérieur, en étant naturalisés, des gens qu'on ne connaît pas parce qu'ils ne font pas partie du cursus qui aurait pu être mis en place, donc sans suivi. Ce sont des gens qui ont été entrainé dans des endroits dont on a du mal à cerner le pour et le contre. Mais comme ce sont les seuls qui sont performants, ils sont en équipe de France, sauf que les situations dans lesquels ils se mettent nous éclatent à la figure.

Faut-il lever le secret médical comme le souhaite Bernard Amsalem pour accélérer la lutte antidopage ?
Non, le secret médical doit rester absolu et pourtant quand j'étais DTN, c'était très difficile à gérer parce que le médecin me disait parfois qu'il ne pouvait pas aller jusqu'au bout de ce qu'il aurait pu me dire. Lever le secret médical risque d'engendrer des vengeances et des dérives extraordinaires. Il faut être plus proche des athlètes. Surveiller sans fliquer.

Etes-vous favorable à la remise de peine en échange d'une collaboration de l'athlète comme l'IAAF à commencer à le faire sur le modèle de ce qui est pratiqué aux Etats-Unis ?
Il y a quelques mois je vous aurais dit non. Maintenant si on veut faire le ménage, oui, j'y suis favorable. Il faut vraiment arriver à connaître les rouages. Ce n'est peut-être pas très élégant mais si un athlète fait amende honorable et décide de parler, alors oui. Ce n'est pas normal qu'un trafic de dopage soit moins dangereux qu'un trafic de drogue.

Quelle à été votre réaction à la médaille d'argent aux JO de Pékin de Mahiédine Mékhissi-Benabbad ?
Je ne m'attendais pas à ce qu'il fasse cette course là. Je ne connaissais pas bien ce garçon. Mais je n'ai pas été d'accord avec ce qui a été écrit sur lui. J'ai été étonné par la faiblesse du 3000 mètres steeple et des performances en général à Pékin. Il y a eu la peur du gendarme. Continuons de voir la progression de ce garçon qui semble avoir du caractère. S'il est propre ce sera un grand champion, s'il est sale, et bien qu'il se fasse prendre.

Un président à deux mandats, comme l'a suggéré le secrétaire d'Etat aux Sports Bernard Laporte, vous y êtes favorable ?
Huit ans c'est bien. Ce que l'on n'a pas fait en huit ans on ne le fait pas en douze ou en seize. On n'est pas obligé d'être opérationnel la première olympiade, mais après on est censé avoir eu les moyens de son mandat. Si Bernard Amsalem fait quatre ans de plus, ma foi, c'est bien, mais comme dit l'adage ‘A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire'. C'est donc mieux qu'il soit réélu avec un adversaire plutôt que d'être réélu tout seul, sans personne en face de lui.

Avez-vous déjà choisi le DTN qui vous accompagnerait en cas d'élection ?
Oui, je pense d'ailleurs à plusieurs bras droit. Un DTN qui déterminerait les orientations de l'athlétisme, et un second DTN qui serait responsable des sélections et des résultats.

La rédaction - Louis Chenaille