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Carl Lewis : "Les records de Bolt sont faits pour être battus"

A 54 ans, Carl Lewis (ici sur la ligne de départ du 10km Nike Paris centre) soulève toujours l'enthousiasme.

A 54 ans, Carl Lewis (ici sur la ligne de départ du 10km Nike Paris centre) soulève toujours l'enthousiasme. - AFP

DOCUMENT RMC SPORT. De passage à Paris pour donner le départ des 10km Nike Paris centre, le mythique Carl Lewis, plus grand athlète de tous les temps, a jeté son regard d’expert sur le sprint mondial. Mais a soigneusement et intelligemment contourné certains questions sur Usain Bolt, avec qui la guerre d’ego bat son plein depuis quelques saisons.

Que pensez-vous de la période actuelle que traverse le sprint mondial : est-elle plus excitante ou ennuyante que la vôtre ?

Je pense que la balle est dans le camp des sprinteurs actuels, après avoir vécu à titre personnel des moments fabuleux dans les années 80 et 90. J’ai marqué mon époque, depuis j’ai pris ma retraite. Maintenant, c’est à eux de devenir leurs propres héros. Le héros que je pouvais incarner n’est plus là. Ils doivent s’emparer de cette période, s’efforcer de livrer pour les fans des courses excitantes à chacune de leur sortie. Ils doivent courir pour ça, pour s’amuser d’abord eux-mêmes et pour le plaisir des fans.

Du temps de votre splendeur, il y avait les duels épiques entre vous et Ben Johnson, Calvin Smith, Leroy Burrell ou encore Lindford Christie : ne trouvez-pas que le sprint mondial manque de nos jours cruellement de duels « au couteau » ?

C’est différent. Moi à mon époque, je sélectionnais mes courses en fonction de la présence des uns et des autres. Quand l’un de mes adversaires directs s’alignait sur telle course, je la faisais. Et on courait, encore et encore. Aujourd’hui, les coureurs sont beaucoup plus sélectifs, s’évitent, cochent une course par ci, une autre par là. Moi, je n’ai jamais fonctionné comme ça mais je m’abstiendrai bien de juger.

Pensez-vous Usain Bolt capable d’améliorer encore ses records du monde du 100 et 200 m ?

Tous les records sont faits pour être battus même si, selon moi, le plus important pour bien battre un record est de réaliser d’abord une grande et excitante course que les fans aiment voir, et d’être performant ensuite. Si les records sont battus sans la manière, cela dévalue les efforts des athlètes. Et je ne parle pas uniquement des 1-2 athlètes capables de battre le record, mais des huit qui sont au départ. Offrir des courses de standing et de qualité, c’est ce qui rendra notre sport encore meilleur et tirera le niveau vers le haut.

Quels seront selon vous les principaux adversaires de Usain Bolt ces prochaines saisons : Justin Gatlin, Tyson Gay, Yohan Blake ?

J’ai une très bonne réponse pour ça… Je connais une personne qui est beaucoup plus qualifiée que moi pour répondre à cette question, c’est Michael Johnson ! Michael connait tout ce monde sur le bout des doigts alors que moi, je suis moins les courses que lui. Donc dès que vous le verrez, posez-lui la question. C’est le plus compétent sur le sujet. Michael est votre homme (il rit) !

La saison écoulée a été décevante pour lui, 2013 n’avait pas non plus été transcendante : est-ce le début de la fin de Usain Bolt ?

Je ne sais pas. C’est une question difficile car tu ne sais jamais quand ton temps est venu ou pas. Je ne connais pas son entraînement, je ne sais pas ce qu’il fait en dehors, je ne sais pas comment il vit, donc ça m’est impossible de répondre. Mais avec les Championnats du monde (Pékin 2015) puis les Jeux Olympiques (Rio 2016) qui se profilent, on en saura plus. Cette année sans enjeu était particulière. Les saisons à venir seront différentes. Les cartes seront redistribuées. On ne sait jamais qui va gagner. C’est la loi du sport. Tu dois accepter de jouer le jeu.

Un dernier mot sur nos « Frenchies », Jimmy Vicaut et Christophe Lemaitre : que leur manque-t-il pour (re)faire partie du gratin mondial ?

Je les connais tous les deux. Dans notre sport comme dans les autres sports d’ailleurs, tout le monde veut être le meilleur, tout le monde veut décrocher la médaille d’or. Mais si je devais leur donner un conseil, c’est de ne pas s’inquiéter pour les médailles, mais plutôt comment devenir le meilleur possible. Les médailles ne sont pas forcément les plus importantes une fois votre carrière terminée. Ce qui compte davantage selon moi, c’est de ne pas contempler sa vitrine à trophées, mais plutôt de s’interroger sur les moyens mis en œuvre durant sa carrière pour atteindre ses objectifs, si j’ai été le meilleur que j’ai pu. C’est le meilleur moyen d’atteindre le top niveau. Et d’accomplir la meilleure des carrières.

Gérald Mathieu