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Carl Lewis doute de Bolt

Le Roi Carl, ici en action en 1988, doute d'Usain Bolt, la nouvelle star de l'athlétisme mondiale, 20 ans plus tard, en 2008.

Le Roi Carl, ici en action en 1988, doute d'Usain Bolt, la nouvelle star de l'athlétisme mondiale, 20 ans plus tard, en 2008. - -

La star du sprint américain est revenue sur les performances du Jamaïcain Usain Bolt aux JO de Pékin. Lewis affirme que Bolt et les Jamaïcains n’apportent pas toutes les garanties pour faire taire les suspicions de dopage.

Le Roi Carl, le sprinter américain aux neuf médailles d’or olympiques, qui a dominé les pistes à la fin des années 80, s’interroge sur son illustre successeur, le Jamaïcain Usain Bolt. A propos du triple champion olympique (100m, 200m et 4x100m) des Jeux de Pékin, Lewis n’a pas mâché ses mots dans l’édition en ligne du magazine « Sports Illustrated », en date du 11 septembre : « Le fait qu’il soit passé de 10’’ à 9’’69 en un an me travaille toujours. Je suis fier de l’Amérique parce que nous avons le meilleur programme de contrôles antidopage inopinés. Des pays comme la Jamaïque n’en ont pas, leurs athlètes peuvent passer des mois sans être testés. »

Pour être tout à fait honnête, Carl Lewis n’a pas toujours été blanc comme neige dans sa carrière d’athlète. A trois reprises, il a été contrôlé positif à des stimulants aux sélections américaines des JO de Séoul (1988). Blanchi par sa fédération, l’athlète a vu son image écornée part cette affaire.

Il n’empêche, Lewis n’est pas le seul à mettre en question les exploits de Bolt. Le célèbre instigateur du scandale Balco, qui a emporté dans son sillage Marion Jones et Tim Montgomery, n’a jamais caché ses doutes. En décembre dernier, Victor Conte alertait ainsi l’Agence mondiale antidopage et son boss de l’époque Richard Pound de l’existence d’un fournisseur de produits dopants faisant affaire avec les Jamaïcains. L’Agence, qui a entre temps changé de président, ne semble pas vouloir donner suite aux avertissements de l’ancien apprenti chimiste.

Pound, qui est retourné au cabinet Stikeman Elliott a néanmoins jugé les informations « intéressantes ». L’avocat se dit intrigué des changements morphologiques, notamment au niveau de la mâchoire, de certains athlètes de la Jamaïque. Les recherches permettent d’affirmer que les championnes olympiques 2008 du 100m Shelly-Ann Fraser et du 400m haies Melaine Walker ont subi des interventions de chirurgie dentaire. Existe-t-il un produit qui modifie la mâchoire osseuse ? Le spécialiste du dopage sanguin, le professeur Michel Audran est formel : « L’hormone de croissance modifie la mâchoire, les mains et les pieds. »

L’édition en ligne du magazine « Sports Illustrated », daté du 2 septembre, prétend avoir été en possession de documents démontrant que deux sprinters jamaïcains, Deloreen London (5e en finale du 100m haies féminin à Pékin ; médaillée d’argent aux Mondiaux 2005) et Adrian Finlay (spécialiste du 400m, sélectionné au Jeux de Pékin), ont reçu des substances dopantes (hormone de croissance, testostérone) à leur domicile aux Etats-Unis, entre 2006 et 2007.

Carl Lewis et Victor Conte dénoncent de concert les carences de la lutte antidopage en Jamaïque. En l’absence d’agence antidopage indépendante, l’IAAF, la fédération d’athlétisme internationale, est (bien) seule aux avant-postes. S’appuyant sur les statistiques annuelles des contrôles de l’IAAF, l’ancien cerveau de l’affaire Balco ne comprend pas pourquoi le nombre de tests inopinés chutent au quatrième trimestre (1), période de préparation hivernale durant laquelle le recours au dopage est pourtant massivement pratiqué.

Les suspicions de Conte s’étendent à l’ensemble des nations caraïbes : Jamaïque, Bahamas, Trinidad et Tobago… En 2003, peu avant que n’éclate le scandale Balco, l’homme qui avait dopé la crème de l’athlétisme américain à la fin des années 90 avait écrit la lettre suivante à l’agence antidopage américaine et à l’IAAF : « Trevor Graham, l’ancien entraineur de Marion Jones, administre de la testostérone par voie orale à ses athlètes. Trevor et son groupe se prépare actuellement aux Bahamas pour les championnats américains. Si l’IAAF et l’USADA se décidaient à procéder à des prélèvements urinaires, il est presque certain que les résultats seraient positifs (–). »

(1) Nombre de contrôles inopinés menés par l’IAAF, en 2007 :
1er trimestre (383)
2e trimestre (651)
3e trimestre (410)
4e trimestre (315)

La rédaction - Louis Chenaille