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Athlétisme: la génération 2024 des Bleus veut (déjà) briller cet été

Sasha Zhoya en août 2021

Sasha Zhoya en août 2021 - Icon Sport

Alors que le monde de l’athlétisme reste bouche bée devant la pépite américaine Erriyon Knighton (4e performeur de l’histoire du 200m avec 19.49 à seulement 18 ans), une des stars annoncées des championnats du monde à Eugene (Etats-Unis) cet été, l’équipe de France a quelques magnifiques promesses également. Raillé ces dernières saisons pour son manque de résultats en grande compétition, le camp tricolore peut compter sur sa génération 2024 qui monte en puissance à l’aube de cet été 2022. 

L’athlétisme français n’est pas mort, loin de là. Les résultats sont en berne depuis quatre ans en grands championnats, avec en point d’orgue les Jeux olympiques de Tokyo, d’où seul le décathlonien Kevin Mayer est revenu avec une médaille d’argent. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cela : les blessures (Renaud Lavillenie aux JO, Kevin Mayer aux Mondiaux 2019…), les affaires de dopage qui ont déstabilisé la Fédération Française, le manque d’encadrement supposé au Qatar et les défaillances individuelles. Mais plus probablement encore, les Bleus ont connu un vrai trou générationnel.

Depuis les glorieuses récoltes de médailles des années 2010, la France a perdu le marcheur Yohann Diniz, le hurdler Dimitri Bascou, le triple sauteur Teddy Tamgho, et a vu vieillir les sprinters Christophe Lemaitre et Jimmy Vicaut, le perchiste Renaud Lavillenie ou encore le fondeur Mahiedine Mekhissi. Pendant ce temps, la génération Paris 2024 grandit, parfois loin des projecteurs, mais les pépites sont prêtes à briller dès cette année. Avec pour les meilleurs les championnats du monde de Eugene en juillet, puis les Europe de Münich en août. 

Sasha Zhoya, prodige du 110m haies, peut-il déjà concurrencer les meilleurs mondiaux ? 

Le Franco-Australien Sasha Zhoya est déjà un phénomène de l’athlétisme mondial. "Un surdoué de la gestuelle, du mouvement", selon Romain Barras, le patron des Bleus. Champion du monde U20 sur 110m haies en 2021 au Kenya, Zhoya a concassé le record du monde de la catégorie par la même occasion en 12s72, près de trois dixièmes de mieux que le précédent record du français Wilhem Belocian.

Depuis, le petit génie n’a pas encore attaqué les compétitions sur les haies des seniors, perchées à 1m06. "Il faut faire attention à cette transition haies basses-haies hautes, accepter le changement d’obstacle", tempère Romain Barras. Alors Sasha Zhoya prend son temps et n’a pas encore annoncé dans quel meeting il montrera son talent. "Vu le caractère du gamin, il voudra frapper un grand coup dès ses débuts. Je suis confiant, on compte sur sa progression et si c’est en place, on pourrait le voir aux Mondiaux. Mais la France est une grosse nation de hurdlers, et on n’enterre pas les Martinot-Lagarde, Manga, Belocian, etc." Zhoya, couvé par Ladji Doucouré et Dimitri Demonnière à l’INSEP, fait déjà forte impression à l’entraînement. "On aimerait l’avoir aux alentours des 13s20 dès cette saison." 

Cyrena Samba-Mayela, Jimmy Gressier : la jeunesse déjà au pouvoir 

Comme Sasha Zhoya, Cyrena Samba-Mayela vole au-dessus des haies depuis plusieurs années déjà. Grande espoir depuis son titre de vice-championne du monde U18 en 2017, l’élève de Teddy Tamgho enchaînait les désillusions chez les seniors. "Elle avait peur de rester cette jeune fille éternelle espoir", selon Romain Barras. Mais c’est du passé puisqu’elle est désormais championne du monde du 60m haies depuis les Mondiaux de Belgrade en mars dernier. "Cyrena a la chance d’être très bien entourée. Elle gère l’euphorie et s’est remise au travail. Il faut qu’elle se libère encore plus pour aller chercher des chronos légitimes sur 100m haies." A 21 ans, elle a les moyens d’aller chercher le record de France de Monique Ewanjé-Epée établi à 12s56, et se battre pour un podium cet été.

Le lion Jimmy Gressier est lui sorti de sa cage depuis un moment. Et il faut lui associer Hugo Hay. Les deux fondeurs de 24 et 25 ans "sont du même niveau", assure Barras. Mais Jimmy Gressier a tendance à prendre un peu plus la lumière dans les grands évènements. Le Boulonnais s’est qualifié pour la finale des JO de Tokyo sur 5000m, quand Hay a échoué de très peu en qualification. Gressier est aussi quintuple champion d’Europe espoir (cross, 5000m, 10000m), et s’est en plus accaparé le record d’Europe du 5km sur route pendant plusieurs mois, fraîchement battu fin avril par l’Italien Crippa. "Jimmy a les dents longues pour reprendre ce record." Barras veut associer les deux hommes avant la saison estivale : "Ils se préparent bien et ont un très gros potentiel. Ils doivent viser une finale mondiale, et aux Europe, viser le podium voire le titre. Ils ont tous les deux des qualités de finisseurs et font partie des meilleurs européens, tout simplement."

Des Français champions du monde ou d’Europe chez les jeunes et plein d’ambitions 

Erwan Konaté, Ethan Cormont, Rose Loga, Jeff Erius… Toute une bande de gamins de 18 à 22 ans ont brillé ces dernières saisons dans les catégories de jeunes. En 2021, les Bleuets ont décroché 8 médailles aux Mondiaux de Nairobi juniors et 17 médailles aux championnats d’Europe espoirs de Tallinn. Si Sasha Zhoya a pris beaucoup de lumière en atomisant le record du monde U20 du 110m haies au Kenya, d’autres athlètes tricolores méritent aussi qu’on braque sur eux les projecteurs. Grand pote de Zhoya justement, Erwan Konaté est lui aussi champion du monde U20, mais à la longueur. Il a remporté son concours avec 8m12 et peut aussi se targuer de posséder le record d’Europe juniors en salle avec 7m98. "Mon rêve est de battre le record du monde de Mike Powell en devenant le premier sauteur à passer 9m", prévient-il.  

Une génération ambitieuse à l’image de Ethan Cormont. Le perchiste, entraîné par la référence Philippe D’Encausse et dans le giron de Renaud Lavillenie, est devenu champion d’Europe espoirs avec un saut à 5m80, record personnel réussi en finale. "C’est fort de savoir répondre le jour J", estime Romain Barras. "Ethan peut en plus profiter de la meilleure émulation de groupe au monde quasiment avec les frères Lavillenie, Thibault Collet un autre jeune qui perce." Ethan Cormont, éliminé en qualifications des Jeux olympiques de Tokyo pour sa première participation, doit digérer le changement de statut. "Après mon titre à Tallin et les Jeux, la pression est redescendue… J’ai réussi à me remobiliser cet hiver mais les performances n’ont pas forcément suivi et j’ai raté les Mondiaux en salle. Je me sens frustré, je veux donc me qualifier pour les championnats de Eugene et le but n’est pas juste de sa qualifier. Avec ma forme, je pense que je peux valoir 5m85 ou 90 en compétition. Mais il faut le faire…" 

Une belle génération de lanceurs  

Longtemps parent pauvre de l’athlé français, les lancers se sont refaits la cerise grâce au trio Mélina Robert-Michon au disque et aux lanceurs de marteau Alexandra Tavernier et Quentin Bigot, tous médaillés dans les grands championnats. Et ils ont créé des vocations. La vice-championne olympique de Rio Mélina Robert-Michon revient d’un stage de deux semaines avec la jeune vague. "On peut constater qu’ils sont hyper investis, sérieux et c’est un excellent indicateur de la suite, se réjouit-elle. Cela prend du temps de former un lanceur, avec une maturité physique et technique plus tardive que dans d’autres disciplines. Mais il y a des bonnes bases chez nombre d’entre eux." D’abord chez Rose Loga, vice-championne du monde et d’Europe juniors à 19 ans au lancer du marteau. "Elle est clairement en route pour réussir les minimas au mondiaux et pour moi c’était une des révélations de l’année 2021", abonde MRM. Il faut citer aussi au marteau Yann Caussinand et Jean-Baptiste Bruxelle, au disque Amande Ngandu-Ntumba ou au javelot le Tahitien Teura Tupaia. 

Si Romain Barras veut une équipe de France compétitive et composée uniquement de finalistes potentiels pour les championnats du monde de Eugene en Oregon au mois de juillet, août et les Europe de Münich sera l’occasion pour une grande partie de ces jeunes pousses tricolores de se frotter au très haut niveau chez les seniors. L’occasion de découvrir aussi le sprinter à peine majeur Jeff Erius. A 18 ans, le Strasbourgeois est une fusée déjà co-recordman de France du 60m. Il a égalé les 6s64 de Christophe Lemaitre en 2009. Peut-être également un futur médaillé olympique…

Aurélien Tiercin