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Arron : « Les filles qui étaient devant avaient triché… »

Christine Arron

Christine Arron - -

A 39 ans, Christine Arron, enceinte de quatre mois, vient d’annoncer sa retraite sportive. Pour RMC, l’ancienne reine du sprint français revient sur sa riche carrière, ses joies, ses regrets et son futur loin des pistes.

Christine, vous venez d’annoncer votre retraite sportive. Qu’est-ce qui a justifié votre choix ?

J’attends un bébé ! S’il n’y avait pas eu le bébé, j’aurais peut-être attendu avant de prendre la décision, mais là c’était l’occasion.

Un mot sur votre nouvelle maternité ?

Ça fait longtemps que j’aurais aimé avoir un autre enfant mais il fallait toujours faire le choix d’arrêter sa carrière puis de reprendre. C’est arrivé au bon moment. Je suis contente, mes enfants auront 11 ans de différence et ça me fait plaisir de pouponner à nouveau. J’ai l’impression que je vais redécouvrir la maternité parce qu’il y a eu tellement de choses qui se sont passées depuis la naissance d’Ethan. Ça va être différent.

Comment vous-sentez-vous ?

C’est un peu bizarre. Je n’ai pas tout à fait intégré le fait que j’arrête vraiment. Il y a toujours des petits points d’interrogation. J’ai annoncé ma retraite mais peut-être que je reprendrai un peu après.

Qu’est ce qui pourrait vous pousser à rechausser les pointes ?

Le fait de n’avoir pas vraiment terminé mon année comme je le voulais. D’autant que j’ai vu que c’était encore possible de recourir vite et ça m’a donné envie de continuer. Cette saison, j’ai bien progressé et je pense que j’aurais pu faire de très belles performances à Helsinki, aux championnats d’Europe. J’en attendais beaucoup et ça a été une vraie déception.

Comment envisagez-vous votre reconversion ?

Je compte faire des formations dans la préparation physique, la nutrition et la physiologie. Le sport et la nutrition, ce sont des choses qui vont bien ensemble. J’ai vu que ça marchait bien car j’ai essayé sur moi. Après, je mets en place certains projets. En gros, le sport, la santé et le bien-être sont les domaines qui m’intéressent.

Vous y pensiez depuis un moment ?

Ça a mûri tranquillement. Moi, j’ai besoin de prendre du recul et de beaucoup réfléchir à la direction que je veux donner aux choses. C’était déjà dans ma tête depuis un certain temps, maintenant il faut trouver les créneaux et la façon de faire les choses.

Quels sont vos souvenirs les plus marquants ?

Je retiens l’année 98 (celle de son titre de championne d’Europe, avec le record continental à la clé, ndlr), l’année 2003, où on a été championnes du monde du relais 4x100, mes deux médailles d’Helsinki en 2005 (deux bronzes aux Mondiaux, ndlr) et la série de meetings que j’ai pu gagner cette année-là. Ça a été de très, très belles années. J’ai un souvenir d’un retour en bus, je discutais avec Bob Tahri, je crois qu’on sortait du meeting de Rome (qu’elle a remporté en 2005, ndlr)… Lui aussi avait bien couru et je lui disais : « Ce sont des instants qu’il faut garder en tête pour l’avenir ». Je me rappelle précisément de ce moment et des sensations de bien-être qu’on peut avoir quand on a gagné une course.

Vous êtes toujours détentrice du record d’Europe sur 100m, en 10’’73. Vu les suspicions de dopage qui planent sur les athlètes qui ont fait mieux, estimez-vous que l’on pourrait presque le considérer comme un record du monde ?

Il y a en a beaucoup qui le pensent aussi. Mais c’est comme ça. A un moment donné, j’aurais pu être classée autrement, mais ça n’a pas été le cas, malheureusement. C’est vrai que c’est le seul regret de ma carrière.

Vous sentez-vous volée ?

Oui. Pour moi, il est clair que les filles qui étaient devant avaient triché.

Quels sont les médailles qui vous tiennent le plus à cœur : individuelles ou collectives ?

J’ai pris du plaisir avec le collectif, mais l’athlétisme, pour moi, ça a toujours été un sport individuel. D’ailleurs, ça m’a créé beaucoup de problèmes avec le relais. Donc ce sont les médailles individuelles qui m’ont procuré le plus de plaisir. Je regrette de ne pas en avoir eu plus.

Peut-on vous imaginer tenter une carrière en tant qu’entraineur ?

Peut-être, mais pas dans l’immédiat. Si j’entraîne, il faudra que je prenne un peu de recul. Je trouve que ce n’est pas bien de finir une carrière d’athlète de haut niveau et de passer directement sur de l’entraînement. Ce n’est pas la même chose, il ne faut pas se tromper. Il faudra d’abord que je termine mon histoire dans la tête pour pouvoir passer à autre chose et éventuellement porter une autre casquette. Il faut que je m’habitue à tout ça, voir après la naissance de mon enfant comment ça va se passer.

Vous lancez le mouvement de toute une génération, puisque Muriel Hurtis, Mehdi Baala et Bob Tahri devraient vous emboîter le pas…

Moi, j’ai un peu traîné, je suis proche de la quarantaine. Les autres sont plus jeunes, mais c’est vrai qu’ils vont s’arrêter aussi. Il va falloir trouver une autre équipe de France. C’est un peu la fin d’une époque.

On vous retrouve donc deux ans, pour votre grand retour ?

Pourquoi pas ? (Rires.) Je ne sais pas… Là, je pense avec mon état d’esprit d’athlète qui a arrêté la compétition il y a à peine six mois. Pour l’instant, je suis focalisée sur autre chose et je ne sais pas comment je vais récupérer. Je ne peux pas dire : « C’est sûr, je vais reprendre ». Je préfère dire que j’arrête. Il y aura peut-être du bonus mais je ne compte pas trop sur cette suite.

Propos recueillis par François-Xavier de Châteaufort et Nicolas Paolorsi